Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/42

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Voici un grand et vieux escalier de bois sculpté et, au fur et à mesure qu’on le monte, on entend un bruit vague qui augmente, devient de plus en plus intense, se termine sur le palier par un ronflement gigantesque.

Dans une immense pièce où d’énormes solives coupent le plafond en longues tranches, cent hommes dorment à poings fermés, tandis que leurs ronflemens, auxquels l’oreille s’habitue petit à petit, produit une musique somnolente qui berce, endort, comme le bruit de la vague au bord de la mer.

Trois ou quatre lumignons plantés de distance en distance dans des chandeliers rivés à la tête du lit en fer, éclairent cette scène étrange. On dirait un dortoir de lycée ; mais quel dortoir ! Tous les lits sont semblables ; les tapis, ouatés, poétiquement taillés dans de la perse bleue où sont représentés des paysages romantiques recouvrent des draps, noirs, comme s’ils avaient été trempés dans un tonneau d’encre. On les change tous les mois ; c’est-à-dire lorsqu’une trentaine d’hommes y ont passé et que chacun d’eux a plus ou moins déteint et plus ou moins laissé un peu de la poussière récoltée sur les quais, dans le dur labeur de la journée. De distance en distance, un homme qui a déchargé de la farine, fait boule de neige au milieu