Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/43

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de cette symphonie de noir et de bleu qui tenterait le pinceau d’un impressionniste. Quelques yeux s’ouvrent au bruit que font les curieux en pénétrant dans la pièce ; dans un coin, un pauvre vieux à barbe blanche, enlève ses chaussures et cache rapidement sous son lit, à la vue du « patron, » la pipe qu’il achevait de fumer.

— « Voyez comme les sommiers sont bons ; comme tout cela est bien organisé ! » et le directeur de l’établissement lève un drap et découvre un dormeur. Le pauvre diable est nu, mais nu comme la main, nu plus encore, s’il est possible, que le discours d’un académicien. Les règlemens de la maison sont formels ; on ne couche qu’en chemise ; les autres vêtemens ne sont pas assez propres pour se glisser sous les draps et, quand on n’a pas de chemise, ce qui arrive quatre-vingts fois sur cent, on est forcé d’adopter le costume de nuit de notre premier père.

Si quelques cliens ayant de la fortune ont des goûts plus relevés, s’il leur répugne de faire comme le commun des mortels et de dormir dans des draps qui ont déjà servi, ils peuvent se procurer du linge blanc. Coût : douze sous. Dans le cas contraire, c’est six sous et pas de crédit ; on sait qu’il est mort depuis que les mauvais payeurs l’ont tué.