Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/36

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» — Elle possède cependant un léger défaut, ajoutait-elle… oh ! bien léger… Elle est curieuse et, si vous la voulez voir, c’est la chose fort aisée. Il me suffira de hausser un peu la voix, et, comme Madame est dans l’appartement voisin, elle s’empressera, en m’entendant, de venir voir qui me visite.

» Et ces deux dames, incontinent, d’élever sans difficulté leur diapason.

» Bientôt un pas léger se fait entendre derrière la cloison, puis, doucement, une porte vient à s’ouvrir.

» — Madame de Vathaire, madame de Vathaire, je suis bien infortunée !… J’ai perdu mes ciseaux… Ne pourriez-vous pas m’en prêter quelque paire ?

» Telle est l’ingénieuse entrée de Marie-Caroline. En la voyant, je fus, ajoutait madame Hüe, grandement frappée de l’imperfection de ses traits. Il semblait que les yeux de Son Altesse eussent à tâche de ne pas regarder dans la même direction. Ses sourcils trop épais cherchaient activement à rejoindre ses cheveux trop ardents. Son nez dédaignait les charmes de la régularité. Enfin, je n’étais pas assez accoutumée, peut-être, aux teints basanés du pays de Naples, pour apprécier son visage. Mais, à peine Madame eut-elle prononcé quelques mots que cette fâcheuse impression s’effaça pour ne laisser place qu’à la sympathie la plus vive. Offrant un parfait contraste avec la dignité sévère et la majesté froide de Madame la Dauphine, elle était si « femme » avant d’être princesse qu’il me sembla rencontrer en elle une égale et une amie.