Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/37

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»… C’était aussi le roi Charles X dont la baronne Hüe venait parfois à nous entretenir. Encore qu’il ne fût plus jeune quand il connut madame Hüe, il avait conservé intactes ses vieilles traditions de galanterie française, et quand, se promenant en son parc de Saint-Cloud, il rencontrait la jeune baronne, ce n’était pas sans lui adresser quelque joli madrigal. « Il n’avait, s’écriait-elle, rien conservé des attraits de son jeune temps, et marchait pesamment, en dodelinant de la tête, tandis que, sous son chapeau, se hérissaient ses gros cheveux gris. Alors que par une fraîche matinée d’automne je le voyais revenant de la chasse et tenant à la main un faisan superbe, il s’approcha de moi, et me voulut bien dire en un sourire gracieux : « C’est pour vous que je l’ai tué, madame la baronne, c’est pour vous que je l’ai tué ! »… Et comme, après une profonde révérence, je le suivais du regard tandis qu’il s’éloignait dans la brume, je vis bientôt mon Roi, qui venant à rencontrer l’une de mes compagnes, lui présenta sa chasse en s’écriant de sa voix haute : « C’est pour vous que je l’ai tué, madame la comtesse, c’est pour vous que je l’ai tué… »

Et c’est ainsi qu’en de longues heures de causerie, la belle-fille de François Hüe, quoiqu’elle prétendit que « le cadran de ses quatre-vingts ans fût parfois un guide infidèle » évoquait devant nous, en un panorama charmeur, les souvenirs de la Restauration. En son langage délicat et vieillot elle charriait jusqu’à nous les anecdotes jolies du bon vieux temps.

Elle était le livre de la Vieillesse et du Souvenir,