Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/165

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passais qu’à demi courbé. Dans la nouvelle chambre était une espèce d’armoire ; je l’ouvris : elle renfermait un autel. C’était là que, précédemment, on célébrait la messe pour les prisonniers au secret.

Je peindrai mal ce que j’éprouvai à la vue de cet autel. Souvent l’homme heureux s’efforce d’écarter de sa pensée l’idée d’un Dieu ; elle l’importune, elle troublerait ses jouissances ; et plus il doit être reconnaissant des faveurs qu’il a reçues du Ciel, plus il est ingrat. L’homme accablé de misères et de douleurs, lorsqu’il semblerait en quelque sorte être en droit d’accuser la Providence, est celui qui l’adore et qui cherche en elle sa consolation et son soutien. Je crus donc, en effet, que Dieu me manifestait sa présence. Mais était-ce un Dieu libérateur, ou bien ne s’offrait-il à moi que pour recevoir le sacrifice de l’existence que je tenais de lui ? Qu’importe !

Dans le transport que me causa cette découverte imprévue, je tombai a genoux. Les mains élevées vers le Ciel et les yeux humides de larmes je le remerciai de m’avoir sauvé de la fureur des cannibales : je priai pour mon Roi captif, je priai pour la famille royale, prisonnière avec lui. Ce dernier élan de mon âme acheva d’épuiser mes