Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/206

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craignait aussi de ne pas rendre clairement sa pensée. — J’aime mieux, me disait-il un jour, laisser interpréter mon silence que mes paroles.

» Du même fonds de modestie naissait l’indécision apparente que vous lui avez peut-être entendu reprocher. J’en étais journellement le témoin au conseil d’État, j’ai vu qu’elle n’était en lui que l’hésitation sur le meilleur parti à prendre, et sur les nombreuses difficultés qui se présentaient.

» — Quelle responsabilité ! disait-il souvent : chacune de mes actions influe sur le sort de vingt-cinq millions d’hommes ! »

Si, dans le cours de cette révolution, il lui est arrivé quelquefois de prendre le mauvais parti, c’était, m’a-t-il répété, par des raisons qui eussent rendu celui qu’il a pris le meilleur, sans les trahisons contre les quelles la prudence la plus éclairée n’a point de précaution à prendre.

» Le Roi me savait un gré particulier du dédain que j’avais pour ces formes extérieures que le monde appelle grâces, mais qui, trop souvent, sont le masque de la fausseté.

» — Monsieur de Malesherbes, me disait-il, vous et moi, avons ici le ridicule de tenir aux mœurs du vieux temps ; mais ce ridicule ne vaut-il pas mieux que les beaux airs d’aujour-