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GUIDE DU BON SENS

À l’origine du malheur des hommes, il y a, de toute évidence, une faute contre le bon sens : qu’est-ce autre chose, en effet, qu’un péché contre le bon sens, le péché originel ? Risquer le paradis, encourir la colère divine, tout ça pour une pomme, même si cette pomme était le fruit de la science : la science de quoi, je vous demande un peu !… N’était-ce pas déraisonnable ?

Et déjà apparaissait, dans le péché originel, le double aspect, — sottise, orgueil, — de toute faute contre le bon sens : c’est en flattant l’orgueil d’Ève, en faisant appel à cet orgueil, que le serpent l’a déterminée à désobéir, et à goûter d’une pomme dont elle ne savait même pas si elle en aimerait le goût.

Ainsi nous entraîne-t-on à la découverte de ces petits restaurants inconnus, dont on nous vante telle « spécialité » mystérieuse, simplement pour que nous puissions être les premiers à nous rengorger devant nos amis :

— Vous n’avez jamais mangé de cela ?

Et si l’on insiste et vous demande :

— Mais quel goût cela a-t-il ? Est-ce vraiment bon ?

— C’est « curieux » !…

Voilà ce qu’a dû répondre Ève au serpent, quand il l’interrogeait, en clignant de l’œil, — ce serpent-là pouvait bien cligner de l’œil… — après qu’elle eut goûté au fruit défendu :