Page:France - Saint Yves.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment de nous mettre à table, nous vîmes entrer un pauvre tout hideux, couvert de méchantes guenilles : il demandait l’aumône. Yves le fit asseoir à table, en face de lui, puis manger dans sa propre assiette. Le pauvre prit peu de chose et voulut sortir tôt après, comme suffisamment rassasié. Avant de passer le seuil, il se retourna vers nous, et dit en breton : « Kenavo. Doue vo guenac’h : adieu, que le Seigneur soit avec vous. » Et ce mendiant, naguère hideux, parut si brillant de clarté, que nous en étions comme éblouis. Yves se prosterna contre terre, la face baignée de larmes. « Ah ! je le vois bien maintenant, s’écria-t-il, Dieu a envoyé un de ses anges pour me visiter. » C’était plus qu’un ange ! C’était Jésus-Christ lui-même ! Yves fut plusieurs jours sans vouloir s’asseoir à cette table, qui avait été sanctifiée, comme un autel, par la présence de Notre-Seigneur !

Nous ne pouvons jamais passer devant cette vaste cour de l’ancien manoir de Kermartin sans nous représenter cette multitude de pauvres, qui recevaient de lui, avec le pain matériel, la parole qui console et ce regard bienveillant qui guérit tant de misères ! Ce miracle de la multiplication des pains, si souvent opéré devant cet antique manoir,