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SOUVENIRS D’UN PAGE.

l’on rangeait, le matin du jeudi saint, douze petits enfants dont la fraîcheur égalait celle de l’énorme bouquet des fleurs les plus rares qu’ils tenaient à la main. Ces enfants étaient choisis avec beaucoup de soin parmi ceux des bourgeois de Versailles, et la Faculté, longtemps avant la cérémonie, veillait à ce qu’ils fussent sains et propres. On les couvrait d’une petite robe d’étoffe rougeâtre, et trois aunes de toile fine leur étaient passées autour du cou. Au milieu de la salle s’élevait une chaire portative.

La cérémonie commençait à neuf heures par un sermon. Le prédicateur pouvait, ce jour-là, se livrer à la véhémence de son zèle et tonner avec force contre les abus et les scandales de la cour. C’était à pareil jour que l’évêque de Senez avait fulminé sa sinistre prophétie et prononcé la condamnation de Louis XV, en s’écriant avec Jonas : Adhuc quadraginta dies, et Ninive subvertetur. Et l’on sait que cette prédiction s’était réalisée par la mort du monarque. Après le sermon, un évêque faisait l’absoute, et la cérémonie commençait.

Chaque enfant plaçait son pied droit au-dessus d’un bassin de vermeil que tenait un aumônier ; M. le comte d’Artois y versait un peu d’eau ; Monsieur l’essuyait avec la serviette que l’enfant avait au cou, et le roi baisait le pied. Alors le grand aumônier donnait à l’enfant une petite bourse contenant douze écus ; celui qui avait le triste honneur de représenter Judas en avait treize.

Après le lavement des pieds commençait le service.