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SOUVENIRS D’UN PAGE.

vaillaient sourdement à une révolution, à un changement de dynastie, cherchaient d’autant plus à faire ressortir ses défauts et à le rendre odieux, que, ayant plusieurs enfants, sa présence était plus importune. On voulait ou l’éloigner ou le faire périr, et Mirabeau, répondant un jour à quelqu’un qui s’étonnait de l’acharnement dont le comte d’Artois était l’objet, pouvait dire : « L’état pléthorique du roi et celui de Monsieur, qui peut abréger leurs jours, réduit la question au dauphin, qui n’est qu’un enfant. »

Avant ce temps, M. le comte d’Artois, affable à tout le monde, ayant dans le caractère cette gaieté qui est commune à sa nation, était adoré du peuple. Ses courses fréquentes à Paris, ses dépenses mêmes contribuaient à cette popularité. Seuls les partisans de la saine morale blâmaient ses égarements et ses prodigalités, qu’ils attribuaient à sa jeunesse. Je sais que ce prince n’a point reçu l’éducation nécessaire pour vivre dans des temps difficiles ; et toutes les fautes qu’on peut lui reprocher depuis sa sortie de France, sont la suite d’une qualité innée à toute la famille des Bourbons, d’une trop grande bonté, d’où provient une extrême facilité à se laisser conduire, et trop peu de discernement pour choisir ses conseillers. La conduite de M. le comte d’Artois, en Angleterre et en Allemagne, en est la preuve ; mais, jouet malheureux des puissances européennes, il n’a pu avoir de volonté.

M. le comte d’Artois tenait continuellement la bouche ouverte, ce qui donnait à sa physionomie un air