Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/107

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Juliette Brémond n’avait pas eu beaucoup de temps pour se reposer des fatigues du bal. Rentrée à cinq heures du matin, elle n’avait presque point dormi, toute à son inquiétude. Elle songea d’abord à empêcher sa mère de sortir l’après-midi. Mais… sous quel prétexte ? Puis, à l’accompagner… Mais quelle démarche mesquine !… Ah ! le mieux était encore de demeurer immobile, de laisser toutes choses dériver dans l’universelle veulerie qui est leur pente, leur but et leur élément. Tant pis ! tant pis ! Sa mère sortirait. Et après !… Elle rentrerait, bien sûr ! Certes, il n’y avait point de danger qu’elle accompagnât sa faute d’un semblant de passion, ou de drame. Elle rentrerait, à sept heures, bourgeoisement. Puisqu’elle ne s’était qu’amusée, n’est-ce pas ? pouvait-on réclamer d’elle autre chose qu’une tranquillité décente ? Âme sereine !

Dix-huit ans, Juliette ! et si fatiguée !… si fatiguée qu’il lui semblait avoir parfois l’âge d’une aïeule, et la résignation d’un ascète, si fatiguée qu’elle ne tentait même plus de dissuader les jeunes gens de sa cour de l’opinion malveillante qu’ils s’étaient formée d’elle. Elle avait envie d’é-