Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/126

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infiniment de courtoisie : « À l’instant même, mon doux, mon adorable petit Mercanti, je m’assieds et je vais vous parler d’André Gide.

— Et pourquoi d’André Gide…?

— Parce que je ne comprends pas Paludes.

— Et pourquoi ne comprenez-vous pas Paludes ?

— Parce que c’est plein de calembours, et de calembours que je ne comprends pas ?

— Que voulez-vous dire ?

— Tenez, je prends le volume.

— Doucement, dit Jacques, n’abîmez pas mon exemplaire.

— Je lis, au petit bonheur : « … chemin bordé d’aristoloches… » Qu’est-ce que c’est que ça, des aristoloches ? Bien de bon, évidemment. D’abord, moi, les aristos, je les déteste, et les loches, ça vous fait glisser quand on marche dessus : ce sont des bêtes répugnantes…

— Finissez, dit Eucrate, vous êtes au-dessous de tout.

— Et puis, voyez un peu cette vulgarité d’expression : aristos au lieu d’aristocrates, et loches au lieu de limaces. Moi, j’aurais mis : « chemin bordé d’aristocrates limaces » ou, plus euphoniquement : « chemin bordé de limaces aristocratiques. » Alors, c’était une pensée tout à fait choisie.

— Olivier, se fâcha Ludovic, si vous ne finissez pas, on vous fera tremper dans un bain de vapeur. Et nous supplions tous M. Paolo Mercanti de nous purifier l’imagination par une lecture de ses beaux vers. Cependant, le poète avait déplié un de ses petits papiers et il lisait, d’une voix plaintive, traînante, en faisant un sort à chaque virgule :

— Murmures dans la nuit :…

— Très joli titre, dit Eucrate.