Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/167

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bibelots, les cadres et la poussière. Lorsque ses visiteurs entrèrent, elle était assise devant un bureau chargé de papiers, et portait une paire de lunettes qu’elle quitta en se levant.

— Ma chère madame Verrière, dit M. Cabillaud, avec son plus grand air d’homme du monde, je vous présente mon ami Monsieur Jacques de Meillan qui ne vous a vue qu’une fois, chez son père, en passant, mais qui brûle de faire votre connaissance d’une manière plus complète. Madame Verrière tendit au jeune homme une main grasse et sans bagues, au bout d’un bras court et gras. Son corps énorme ondulait lentement dans sa robe noire, et sa tête d’empereur romain glouton, mais pâle et gélatineuse, se balançait, pour mieux confirmer son sourire de bienvenue.

— C’est très gentil d’avoir pensé à moi, répondit-elle alors d’une voix stupéfiante de ténuité et qui semblait sortir du bloc de sa figure, comme un filet d’eau d’une falaise, je vous reconnais bien là, mon cher Monsieur Cabillaud. Et monsieur Jacques sera toujours très bien reçu chez madame Verrière… Son père est venu déjà me voir ce matin.

— Ah ! s’exclamèrent ensemble le fils et l’ami.

— Oui, mais cela ne saurait en rien influencer mes dispositions vis-à-vis de M. Jacques. M. Jacques est un jeune homme distingué, et si charmant !… j’aime à obliger la jeunesse.

— Vous l’avez toujours aimée, chère madame Verrière, se souvint alors M. Cabillaud Quand j’avais vingt ans, (vous en aviez trente, alors), vous me rendîtes des services qu’on n’oublie pas… Vous n’avez pas voulu continuer depuis, c’est vrai, mais ne récrimons point. Parole d’honneur : j’ai été amoureux de vous, madame Verrière, en outre.