Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/168

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Vous étiez fraîche comme une pomme et dodue comme une grive roulant dans une vigne… Ah ! ah ! mon petit Jacques, si tu avais rencontré alors madame Verrière, tu l’aurais suivie dans la rue, tu aurais provoqué son mari, tu aurais été fou… On ne peut pas se faire une idée, aujourd’hui, de ce que fut madame Verrière, à cette époque.

— Voulez-vous bien vous taire, vilain monstre ! susurra madame Verrière.

— On a vieilli tous les deux, et ces folies ne sont plus de notre âge… Mais elles redeviennent de celui de nos successeurs, et voilà un jeune personnage que son père tient de court et qui ne demanderait pas mieux, pour ces mêmes folies, que… Mais je le laisse expliquer lui-même ce qu’il désire.

— Je suis entièrement à ses ordres.

— Je voudrais, dit Jacques, emprunter cent francs le plus tôt possible. L’affaire est urgente, à un jour près.

— Vous voulez emprunter cent francs, distingua madame Verrière, ou vous voulez cent francs ?

— Hein !

— Notre ami ne comprend pas, intervint M. Cabillaud, il manque d’habitude. Je vais lui expliquer. Madame Verrière te demande si tu veux emprunter cent francs et en recevoir un peu moins, ou toucher cent francs et en redevoir un peu plus. Ma chère madame Verrière, je puis vous répondre tout de suite : il veut recevoir cent francs.

— Bien, dit madame Verrière ; et vous les voulez tout de suite ?

— Ah ! ce soir, si c’était possible…

Madame Verrière hocha la tête d’un mouvement qui signifiait, à n’en pouvoir douter : « C’est étonnant les illusions qu’on se fait sur l’argent. Pauvre enfant ! Comme l’avenir les lui enlèvera vite ! »