Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/38

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ne vous en ait fait entendre autre chose qu’un faible écho méconnaissable.

— Ah ! cette fois, monsieur, vous dépassez les limites.

— Oh oui ! fâchez-vous, magicienne ! Vos yeux sont splendides. Ils n’ont plus autour de leur iris agrandi qu’une toute petite bague d’émeraude. Savez-vous que vous êtes divine ?

— Monsieur, cette folie a tellement duré que je m’étonne de l’avoir laissée commencer. Du reste, il est déjà cinq heures : il faut que je rentre.

— Oh ! c’est cela… Du thé, des petits-fours, des convenances ! j’en ai assez, moi, des convenances, des convenances de cinq heures qui font d’une immortelle une femme du monde. J’en ai assez…

Mais, sans plus attendre, la dame blonde descendit vers le rez-de-chaussée. Hors de l’atmosphère de percale et de dentelles, elle reprit courage et, s’étant retournée à mi-chemin de l’escalier, elle dit à Jacques, qui ne l’avait pas quittée :

— Monsieur, il faut absolument cesser de me suivre maintenant. J’ai beaucoup de relations, je puis en rencontrer plusieurs. Je vous laisse à penser ce qu’elles croiraient.

— Madame, répondit Jacques, gagné lui aussi par l’esprit de l’escalier, je ne m’arrêterai qu’à une condition. Dites-moi votre prénom.

— Oh ! cela…

— Si vous ne le faites pas, je brave tout. Je foule aux pieds tout un passé de discrétion et de courtoisie, je vous suis jusqu’à votre porte et je passerai la nuit couché en travers.

Son regard était terrible. La dame blonde acheta sa liberté :

— Je m’appelle Anne, dit-elle. Et maintenant…