Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/91

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aux nouveaux amis de M. de Meillan, Puis, il fut à la salle à manger donner le coup d’œil suprême.

Cette servante avait plus que du tact : elle avait du génie. Sur une table à toutes rallonges épanouies, une nappe de toile fine et huit couverts agréablement disposés, des hors-d’œuvres variés, du beurre contourné en coquillages marins, des verres innombrables, comme s’il avait plu de quoi les remplir et un bouquet de chrysanthèmes au centre de ces merveilles attestaient combien cette jeune femme, à tant d’égards fantaisiste, était précieuse en ses ressources, lorsque les circonstances exigeaient une improvisation éblouissante. Jacques ne perdit pas une seconde à se demander comment la cave ou l’office feraient honneur à tant de promesses : il avait confiance.

À midi, un bruit terrible retentit dans la maison. On pouvait croire qu’un cent de billes d’agate poursuivi par les clameurs d’une foule, rebondissait sur le marbre des escaliers. C’était M. de Meillan et ses amis qui rentraient. Lorsque la trombe eut forcé la porte de l’appartement, il se produisit une telle trépidation que le vautour, trébuchant sur son perchoir, vint donner de la tête sur le fourneau brûlant, puis tomba, évanoui, sur le carreau. Comme personne n’avait le temps de s’occuper de ses faiblesses, il ne revint à lui que longtemps après, couché dans le couvercle d’une vieille valise où il avait été déposé en grande hâte.

— Entrez, entrez, mes amis, disait M. de Meillan. Il y a ici un cordon-bleu dont vous allez me dire des nouvelles. Par ici, par ici, à gauche… Là ! nous y sommes. Cette table fait plaisir à voir. Messieurs, je vous présente mon fils. D’ailleurs pour une moitié d’entre vous cette formalité est inutile. Paillon, Cabillaud, et ce cher Renaud Jambe-