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X PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

X PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

philosophiques du temps, non-seulement chez les Chrétiens, mais aussi chez les Arabes et chez les Juifs. Maimonide, sous le nom de Rabi Moses, Avicenne, Averrhoës, y sont cités presque aussi souvent que Platon, Aristote et les docteurs de l’Eglise.

Mais ce ne fut guère qu'à la chute de la scolastique, vers la fin du seizième siècle, que parurent, sous leur véritable nom, les dictionnaires spécialement consacrés à la philosophie. Le premier de tous, autant que nous avons pu nous en assurer, c'est le Lexique en trois parties (Lexicon triplex) qui fut publié à Venise, en 1582, par Jean-Baptiste Bernardini, pour servir à la fois à l'usage de la philosophie platonicienne, péripatéticienne et stoïcienne.

Après cet ouvrage informe et sans unité qui caractérise assez bien la philosophie de la Renaissance, vient le Répertoire philosophique (Lexicon philosophicum), où tous les termes de philosophie en usage chez les anciens, soit chez les Grecs, soit chez les Latins, sont expliqués brièvement, mais avec beaucoup de netteté et de justesse. Ce petit ouvrage, d'ailleurs trop peu connu peut être regardé surtout comme une introduction utile à l'étude de Platon et d'Aristote.

Dès lors l'usage et jusqu'au nom des lexiques philosophiques paraît généralement consacré et se transmet comme une tradition commune d'une école de philosophie à une autre. L'école péripatéticienne du dix-septième siècle en eut plusieurs parmi lesquels nous citerons celui de Pierre Godart (Lexicon et summa philosophioe), publié à Paris en 1666, et celui de Allsted (Compendium lexici philosophici) qui parut à Herborn en 1626. L'école cartésienne reçut le sien des mains de Chauvin, qui, tout en admettant la plupart des principes de Descartes, ne sut cependant pas dépouiller les formes arides, ni même les idées de la philosophie scolastique. Cet ouvrage, où les sciences naturelles ne tiennent pas moins de place que la philosophie proprement dite, a paru pour la première fois en 1692, à Berlin, où Chauvin occupait avec distinction une chaire publique. Après l'école de Descartes vient celle de Leibniz et de Wolf, qui se résume en quelque sorte dans le lexique de Walch. Cet estimable recueil, écrit en allemand et publié pour la première fois à Leipzig en 1726, est de beaucoup supérieur à tous ceux qui l'ont précédé. Il respire un esprit véritablement philosophique ; il admet même, dans une certaine mesure, l'histoire de la philosophie ; mais il est encore trop étroitement lié à la théologie, et l'auteur lui-même, à ce qu'il nous semble, est plus théologien que philosophe.

Nous n’avons à nous occuper ici ni du Dictionnaire historique et critique de Bayle, ni de la grande Encyclopédie du dix-huitième siècle, dont le but ne saurait être confondu avec le nôtre, et dont l'esprit, suffisamment connu, n'est plus celui de notre temps. Cependant il est bon de remarquer, en passant, l'influence immense que ces deux monuments, le dernier surtout, ont exercée sur l'esprit moderne. Pourquoi donc, en remplaçant ce qui nous manque du côté du talent par la force de nos convictions et la patience de nos recherches, ne nous serait-il pas permis d'espérer une partie de cette influence au profit d'une cause bien autrement noble que celle du scepticisme et du sensualisme ?

Sur la fin du dernier siècle, de 1791 à 1793, on a publié séparément, atugmentés de quelques travaux plus récents, les principaux articles de l'Encyclopédie qui concernent la philosophie proprement dite, ou plutôt l'histoire de la philosophie ; mais ce recueil est complétement gâté par ce que l'éditeur y ajoute de son propre fonds. C’est un athée fanatique, un matérialiste insensé, appelé Naigeon, et qui se croit obligé, dans l’intérêt de ses opinions, auxquelles il mêle toutes les passions de l’époque, de travestir l’histoire et de calomnier les plus grands noms. Il faut aujourd’hui du courage pour soutenir, même pendant quelques instants, la lecture de cette compilation indigeste.

Nous arrivons enfin au Lexique ou Encyclopédie philosophique de Krug (Encyclopaedisch-Philosophisches Lexikon), le plus récent de tous les écrits de cette nature ; car le dernier des cinq volumes dont il se compose, ne remonte pas au-delà de 1838. Krug a bien quelques prétentions à l’originalité ; il a beaucoup écrit et sur toutes sortes de sujets ; mais partout et toujours, au moment même où il pense avoir atteint le plus haut degré de nouveauté et d’indépendance, on aperçoit en lui le disciple de Kant, et c’est véritablement l’école kantienne qui est repré-