Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/268

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dernier. Elle s’est portée l’héritière directe du cartésianisme, et, tout en se préservant des excès dans lesquels il est tombé, elle a pieusement recueilli toutes les vérités immortelles qu’il con­tenait en son sein. En effet, c’est du cartésianisme que nous tenons et notre méthode et la plupart de nos principes. Comme Descartes, nous ne reconnaissons la vérité qu’au signe infaillible de l’évidence ; comme Descartes, nous partons de la conscience, qui nous atteste immédiatement et l’existence de notre pensée et celle d’une âme simple et immortelle profondément distincte du corps et des organes ; comme Descartes, nous trouvons au deaans de nous l’idée de l’infini, laquelle renferme implicitement la preuve de l’existence de l’Être infini ; comme Descartes, nous croyons à des idées innées, et, comme Malebranche, à une raison souveraine qui est le Verbe de Dieu même, qui éclaire également toutes les intelligences et leur révèle l’absolu et l’infini, et qui est la source des idées innées. Enfin, si nous ne donnons pas dans l’excès de nier toute substantialité et toute causalité véri­table, toute réalité aux substances créées, et de les considérer seulement comme des actes répétés de la toute-puissance divine, nous pensons, avec l’école cartésienne tout entière, que ces substances finies et créées n’existent qu’en vertu d’un rapport permanent avec la substance infinie et increée ; nous croyons à une participation continue du créateur avec les créatures, de Dieu avec l’homme et le monde.

Voyez, pour la bibliographie, tous les articles sur les principaux philosophes de l’école carté­sienne, et consultez, pour l’école en général et son histoire : le Recueil depièces curieuses con­cernant la philosophie de Descartes, petit in-12, Amsterdam, 1684, publié par Bayle ; Mémoires pour servir à l’histoire du cartésianisme, in-12, Paris, 1693, par M. G. Huet ; Vie de M. Des­cartes, in-4, Paris, 1691, par Baillet ; Préface de VEncyclopédie, et article Cartésianisme, par d’Alembert ; Mémoire sur la persécution du cartésianisme, par M. Cousin ; Fragments philosophiques et Fragments de philosophie cartésienne, par le même auteur ; Introduc­tion aux Œuvres du P. André, in-12, PaFis, 1843 ; le Cartésianisme ou la Véritable re­novation des sciences, par M. Bordas-Démoulin,

  1. vol. in-8, Paris, 1843 ; Histoire et critique de la révolution cartésienne, par M. Francisque Bouillier, 1 vol. in-8, Paris, 1842, et 2 vol. in-8, Paris, 1854 et 1868 ; Manuel d’histoire de la philosophie moderne, par M. Renouvier, 1 vol. in-12, Paris, 1842 ; Précurseurs et disciples de Descartes, par E. Saisset, Paris, 1863. in-8 ;
  • Essai sur l’histoire de la philosophie en France au xvne siècle, par P. Damiron, Paris, 1845, 2 vol. in-8.F. B.

CÂSMANN (Othon), savant théologien du xvr siècle, à qui l’on doit aussi quelques ouvra­ges philosophiques, compte au nombre de ses maîtres Goclenius, philosophe éclectique. Après avoir dirigé quelque temps l’école de Steinfurt, il mourut predicateur à Stade, en 1607. Il fut le premier qui donna à une partie de la philosophie le titre de psychologie ; mais la science de l’âme n’était pour lui qu’une partie de l’anthropologie, qui embrasse aussi la connaissance du corps, ou, pour nous servir de son expression, la somatologie.

L’espritaristotéliquerespire encore dans cetouvrage, d’ailleurs remarquable par les détails et la clarté de l’exposition. SuivantCasmann. la psycho­logie nous fait connaître la nature de l’esprit hu­main ou de l’àme raisonnable, en nous donnant une idée de toutes ses facultés. L’âme est l’essence même de l’homme. Elle possède quatre facultés : la première est le principe de vie et d’action dans l’homme ; la seconde est l’intelligence ou la faculté de connaître et de raisonner ; la troi­sième est la volonté, qu’il regarde comme une seconde faculté de la raison ; enfin la faculté de penser. Il entend par facultés irraisonnables la force végétative ou vitale. L’homme est défini la réunion substantielle de deux natures, l’une cor­porelle, l’autre spirituelle. Dans sa physiologie intellectuelle, les esprits vitaux et les fluides de toute nature jouent encore un très-grand rôle. Du reste, sa philosophie porte en général un caractère théologique très-prononcé, tout en ad­mettant une âme du monde. Il voulait, si le temps le lui avait permis, composer une gram­maire, une rhétorique, une logique, une arith­métique, une géométrie et une optique chré­tiennes. Il a laissé les ouvrages suivants : Psychologia anthropologica, sive Animœ humanœ doctrina, in-8, Hanovre, 1594, et Francfort, 1604 ; —Anlhropologiœ pars secunaa, h. e. de Fabrica humani corporis methodice descripta, in-8. Ha­novre, 1596 ; Angelographia, sive Comm. phys. de angelis creatis, spiritibus, in-8, Francfort, 1597 ; Somatologia physica generalis, in-8, ib., 1598 ; Modesta assertio philosophiœ et christianœ et ver ce adversus insanos hostium ejus et nonmdlorum hierophantarum morsus et calumnias, in-8, ib., 1601 ; Biographia et comm. method. de hominis vita naturali, mo­rali et œconom., in-8, ib., 1602. J. T.

CASSIODORE (Magnus AureliusCassiodorus) naquit, vers 470, à Squillace en Calabre, d’une famille riche et considérée. Suivant quelques biographes, dont l’opinion est controversée, Odoacre, roi des Hérules, frappé de ses talents précoces, l’aurait nommé, à peine âgé de vingt ans, comte des largesses privées et publiques. Un fait constant, c’est qu’après la chute du royaume des Hérules, il fut appelé à la cour de Théodore, roi des Ostrogoths, qui le choisit pour son secrétaire et l’éleva plus tard à la dignité de questeur et de maître des offices. Sous les successeurs de ce prince, Cassiodore continua de prendre part aux affaires publiques, et devint préfet du prétoire. Mais, attristé par les revers des Goths, et accablé par cinquante années de travaux et de succès, il céda enfin au désir, qu’il avait depuis longtemps, de quitter le monde, et alla fonder, à l’extrémité de la Calabre, le mo­nastère de Viviers. Il vivait encore en 562, et on croit que sa carrière s’est prolongée au aelà de cent ans.

Comme ministre de Théodoric. Cassiodore con­tribua à donner à l’Italie désolée la paix et la tranquillité, et surtout s’appliqua à préserver les sciences du naufrage qui les menaçait. Comme l’a si bien dit Tiraboscni, « il montra au monde un spectacle qui peut-être ne s’est jamais pré­sente : quelques-uns des souverains les plus gros­siers qui se soient assis sur un trône devenus de généreux, de magnanimes protecteurs des bonnes etudes. » Retiré au monastère de Viviers, Cassiodore demeura fidèle aux habitudes et aux goûts de sa vie entière. Ce pieux asile devint, par ses soins, une sorte d’académie, où les moi­nes étudiaient les sciences sacrées et profanes, les arts libéraux et l’agriculture. Afin de faci­liter le travail, il avait formé une bibliothèque qui renfermait, avec les ouvrages des Pères, les principaux manuscrits de l’antiquité latine. Don­nant lui-même l’exemple d’un zèle infatigable pour l’étude, il composa des commentaires sur l’Ecriture sainte, et plusieurs ouvrages pour l’instruc­tion des moines, entre autres son Traité des sept arts libéraux, si répandu dans les écoles au