Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/270

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enfin les catégories des écoles hétérodoxes des djinas et des bouddhistes. Ces catégories sont en partie purement logiques comme celles de Gotâma· ou purement matériel­les comme celles de Kanada.

Les catégo· : ndiennes, sur lesquelles d’ail­leurs il estdui très-uiiûulc de se pro­noncer, pré. donc déjà deux caractères qu’il est bon de remarquer, parce qu’on les re­trouvera plus tard aussi dans les autres systè­mes. Elles sont ou une classification des choses, ou une classification des idées. Selon toute appa­rence, les tentatives des philosophes indiens, et surtout celle de Gotâma, sont antérieures aux systèmes qu’a produits la philosophie grecque.^

Les catégories pythagoriciennes nous ont été conservées par Aristote, au premier livre de la Métaphysique. Elles sont au nombre de dix ; ce sont : le fini et l’innni, l’impair et le pair, l’u­nité et la pluralité, le droit et le gauche, le mâle et la femelle, le repos et le mouvement, le droit et le courbe, la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, le carré et toutes figures à côtés inégaux. Alcméon de Crotone soutenait une doc­trine à peu près pareille. Aristote conclut que les pythagoriciens regardaient les contraires comme les principes des choses ; il trouve que ce premier essai de détermination est bien gros­sier (voy. la traduction de M. Cousin dans son rapport sur la Métaphysique d’Aristote, p. 144 et

l4B).

Les catégories d’Archytas sont apocryphes, bien que Simplicius, après Jamblique et Dexippe, les ait crues authentiques. C’est un ouvrage qui fut fabriqué, comme tant d’autres dans l’école d’Alexandrie ; vers l’époque de l’ère chré­tienne, et qui servit aux ennemis du péripaté­tisme pour rabaisser le mérite et l’originalité d’A­ristote. Simplicius en cite de longs passages ; et il serait possible, en rapprochant toutes ces cita­tions, de refaire le prétendu livre du pythago­ricien contemporain de Socrate et de Platon. Il ressort évidemment de cette comparaison, que la doctrine d’Aristote et celle d’Archytas sont identiques, sauf quelques différences insigni­fiantes. Thémistius et Boëce en ont conclu que cet ouvrage était supposé, et la chose est cer­taine. Quand on sait la place que les catégories tiennent dans le système aristotélique, on ne peut admettre que l’auteur de ce système les ait empruntées à qui que ce soit ; ou bien, il fau­drait aller jusqu’à dire que le système tout en­tier n’est qu’un long plagiat. Les catégories sont la base de tout l’édifice ; elles en sont insépara­bles, et si Archytas les eût en effet conçues comme Simplicius semble le croire, il eût été le père du péripatétisme, à la place a’Aristote. Au xvie siècle, un autre faussaire imagina de pu­blier, sous le nom d’Archytas, un livre des caté­gories où l’on ne retrouve aucun des fragments conservés par le péripatéticien du vr ; et le nou­vel ouvrage n’est pas moins apocryphe que le premier. Il faut donc laisser à Aristote la gloire d’avoir créé le mot de catégorie, et d’avoir le premier, chez les Grecs, fondé la doctrine qui porte ce nom.

Les catégories d’Aristote sont au nombre de dix : la substance, la quantité, la relation, la qualité, le lieu, le temps, la situation, la ma­nière d’être, l’action et la passion.

Ces catégories sont à la fois logiques et méta­physiques.

Il faut d’abord remarquer que le traité spécial oh cette théorie est exposée, est placé en tète de VOrganon et précède le traité de la Proposition ou ïlerméncia. On a dû en conclure qu’Aristote avait voulu, dans ce traité, faire la théorie des mots dont sont formées les propositions ; et c’est là le caractère particulier que les commentateurs ont le plus généralement donné aux catégories. Mais comme les mots ne sont que les images des choses, il est clair qu’on ne peut classer les mots sans classer les choses. Voilà ce qui expli­que comment les catégories reparaissent avec tant d’importance dans la Métaphysique, après avoir figuré d’abord dans VOrganon. Mais Aris­tote dit positivement dans la phrase qui résume tout son ouvrage : « Les mots pris isolément ne peuvent signifier qu’une des dix choses suivan­tes ; » puis il énumère les dix catégories. Il sem­ble donc que, dans la pensée d’Aristote aussi bien que par la place qu’elles occupent en tête de la Logique, les catégories ne sont guère qu’une theorie générale des mots. La grande di­vision qu’y trace Aristote, est celle que toutes les langues humaines, les plus grossières comme les plus savantes, ont unanimement établie. Les mots ne représentent que des substances et des attributs ; les substances existent par elles-mê­mes, ce sont les sujets dans la proposition ; et les attributs existent dans les substances, ce sont les adjectifs. Voilà, au fond, à quoi se réduisent les catégories d’Aristote, dont le but d’ailleurs a été si souvent controversé et peut l’être encore, parce que l’auteur n’a pas eu le soin de l’indi­quer assez nettement lui-même. Mais cette théo­rie même est très-importante, et Aristote a su la rendre profondément originale par les déve­loppements qu’il lui a donnés, autant qu’elle était neuve au temps où il l’établit pour la pre­mière fois.

Aristote a traité tout au long les quatre pre­mières catégories : il les définit et en énumère avec une exactitude admirable les propriétés di­verses. Celle de substance surtout est analysée avec une perfection qui n’a jamais été surpas­sée. Quant aux six dernières, il les trouve assez claires par elles-mêmes pour qu’il soit inutile de s’y arrêter. Enfin le traité des Catégories se ter­mine par une sorte d’appendice que les com­mentateurs ont appelée Hypothéorie, et où sont étudiés les six objets suivants : les opposés, les contraires, la priorité, la simultanéité, le mou­vement et la possession. Il est assez difficile de dire comment cette dernière portion de l’ouvrage se rattache à ce qui précède ; et Aristote n’a pas lui-même montré ce lien, que les commen­tateurs n’ont pas trouvé.

En métaphysique, les catégories changent un peu de caractère ; elles ne représentent plus la substance et ses attributs ; elles représentent plu­tôt l’être et ses accidents. Elles ne sont pas des genres, et Aristote a pris soin de le dire sou­vent, en ce sens qu’elles aboutiraient toutes à un genre supérieur qui serait l’être : il n’y a d’être véritable, de réalité, que dans la première, dans celle de la substance, laquelle seule com­munique quelque réalité aux autres. Les substan­ces existent en soi ; les accidents ne peuvent exister que dans les substances et n’ont pas d’ê­tre par eux-mêmes. La catégorie de la substance se confond avec l’être lui-même ; les autres sont en quelque sorte suspendues à celle-là, comme le dit Aristote. En définitive, elles reposent tou­tes sur l’être ; et comme pour Aristote, il n’y a d’être que l’être individuel, l’être particulier, tel que «  « c se :._ le voicnLdans la nature, il s’en­suit que les dix catégories doivent se retrouver dans tout être quel qu’il soit d’ailleurs. C’est là ce qui a fait dire que les catégories n’étaient que les éléments d’une définition complète. La catégorie de la substa-nce nomme d’abord l’être, et les neuf suivantes le qualifient. Toutes ces déterminations réunies formeraient la détermi­nation