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aux modes variables, aux apparences fugitives. Par conséquent, plus elle est étrangère à la sensation, et épurée des affections de la sensibilité en général, plus elle est conforme à la nature réelle de la chose représentée, c’est-à-dire plus elle est adéquate. C’est dans ce sens que ce mot a été employé surtout par Spinoza, qui s’en sert très-fréquemment. Aux yeux de ce philosophe, la connaissance adéquate par excellence, la connaissance parfaite, c’est celle de l’éternelle et infinie essence de Dieu, implicitement renfermée dans chacune de nos idées (Eth., part. II, de Anima). C’est dans cette connaissance qu’il fait consister l’immortalité de l’âme et le souverain bien.


ADRASTE d’Aphrodisie (Adrastus Aphrodisiæus), commentateur estimé d’Aristote, qui vivait dans le iie siècle après J.-C., et a été classé parmi les péripatéticiens purs. Nous n’avons rien conservé de lui, qu’un manuscrit qui traite de la musique.


ÆDÉSIE, femme philosophe de l’école néoplatonicienne, épouse d’Hermias et mère d’Ammonius. Elle fut célèbre par sa vertu et sa beauté, mais plus encore par le zèle avec lequel elle se dévoua à l’école néoplatonicienne et à l’instruction de ses fils.

Elle était parente de Sizianus, qui aurait désiré l’unir à Proclus, son disciple ; mais ce dernier, à l’exemple d’un grand nombre de néoplatoniciens, regardait le mariage comme une institution profane et voulut garder le célibat. Ædésie s’unit à Hermias d’Alexandrie, et conduisit à Athènes, à l’école de Proclus, les fils qui naquirent de cette union. Elle doit, par conséquent, avoir vécu dans le ve siècle après J.-C.


ÆDÉSIUS de Cappadoce (Ædesius Cappadox), néoplatonicien du ive siècle après J.-C., et successeur de Jamblique. Après l’exécution de Sopater, autre néoplatonicien que Constantin le Grand, converti au christianisme, livra au dernier supplice, Ædésius se tint caché pendant quelque temps pour ne pas subir le même sort ; mais plus tard, ayant reparu à Pergame, où il établit une école de philosophie, ses leçons lui attirèrent un grand concours de disciples venus de l’Asie Mineure et de la Grèce.


ÆGIDIUS COLONNA, issu de la noble race italienne des Colonna, appelé aussi du lieu de sa naissance Ægidius Romanus (Gilles de Rome), est un philosophe et un théologien célèbre du xive siècle. Il reçut le surnom de Doctor fundatissimus et de Princeps theologorum. Entré, jeune encore, dans l’ordre des ermites de S. Augustin, il vint étudier à Paris, où il suivit surtout les leçons de S. Thomas d’Aquin et celles de S. Bonaventure, devint précepteur du prince qui plus tard porta le nom de Philippe le Bel, enseigna la philosophie et la théologie à l’Université de Paris, fut nommé en 1294 archevêque de Bourges et mourut à Avignon en 1316, après avoir pris parti pour Boniface VIII contre le prince qui avait été son élève et son bienfaiteur.

Outre son commentaire sur le Magister sententiarum de Pierre Lombard, on a de lui deux ouvrages philosophiques dont l’un, sous le titre de Tractatus de esse et essentia, fut imprimé en 1493 ; l’autre, intitulé Quodlibeta, a été publié à Louvain en 1646, et se trouve précédé du de Viris illustribus de Curtius, qui donne des renseignements circonstanciés sur la vie et la réputation littéraire de ce philosophe scolastique. C’est à tort, sans doute, que les Commentationes physicæ et metaphysicæ ont été attribuées à Ægidius ; car non-seulement il y est nommé à la troisième personne, mais on y voit aussi mentionnés des écrivains qui lui sont postérieurs, et le style est d’une latinité plus pure que dans les écrits de notre auteur. Ses recherches philosophiques se rapportent presque toutes à des questions d’ontologie, de théologie et de psychologie rationnelle, à divers problèmes relatifs à l’être, la matière, la forme, l’individualité, etc. Il se rattache strictement sur plusieurs points à la doctrine d’Aristote : par exemple, il considère la matière comme une simple puissance (Potentia pura), qui ne possède aucun caractère, aucune propriété de la forme ou de la réalité. Il ne fait pas seulement dépendre la vérité de la nature des choses, mais encore des lois de l’intelligence : en somme, il peut être regardé comme un réaliste assez conséquent avec lui-même.

Ægidius Romanus n’est pas seulement un philosophe scolastique, c’est aussi un philosophe politique. Sur la demande de son royal élève, il a composé un traité du Gouvernement des princes (de Regimine principum) imité de celui qui a été écrit en partie par S. Thomas d’Aquin, mais beaucoup plus étendu ; et sur la fin de sa vie, probablement pendant la querelle de Boniface VIII et de Philippe le Bel, il a pris la défense du pouvoir temporel du pape dans un traité de la Puissance ecclésiastique (de Ecclesiastica potestate), qui a été découvert et publié assez récemment par M. Jourdain, sous le titre suivant : Un ouvrage inédit de Gilles de Rome, précepteur de Philippe le Bel, en faveur de la papauté, in-8, Paris, 1858. Dans le premier de ces deux ouvrages (in-f°, Augsbourg, 1473), on trouve un traité peu près complet de droit naturel, de droit politique et même d’économie politique, où les idées d’Aristote et de S. Thomas se trouvent unies à quelques principes plus modernes. Le second contient un plaidoyer en faveur des prétentions les plus exagérées de la papauté, telles que les concevait Grégoire VII. — On trouvera une notice étendue sur Gilles de Rome dans les Réformateurs et publicistes de l’Europe de M. Ad. Franck, in-8, Paris, 1864.

ÆNEAS ou ÉNÉE de Gaza, d’abord philosophe païen, puis philosophe chrétien du ve siècle. Après avoir suivi les leçons du néoplatonicien Hiéroclès à Alexandrie, après avoir lui-même enseigné quelque temps l’éloquence et la philosophie, il se convertit au christianisme, et greffa si habilement sur cette doctrine nouvelle les fruits qu’il avait recueillis de la philosophie platonicienne, qu’on le surnomma le Platonicien chrétien. Outre un bon nombre de lettres, on a conservé de lui un dialogue écrit en grec, et qui, sous le titre de Théophraste, traite principalement de l’immortalité de l’âme et de la résurrection des corps. Il y est aussi beaucoup parlé des anges et des démons. À ce propos, Énée de Gaza invoque fréquemment la sagesse chaldaïque, ainsi que les noms de Plotin, de Porphyre et de plusieurs autres néoplatoniciens. Il explique la Trinité chrétienne avec le secours de la philosophie platonicienne, établissant un rapport entre le Logos de Platon et le Fils de Dieu, entre l’âme du monde et l’Esprit saint. Il est facile de voir que ce transfuge du néoplatonisme au christianisme aime à faire un fréquent emploi de ses anciennes doctrines, afin de donner à ses croyances religieuses la consécration d’une conviction philosophique. Voy. Æneæ Gazæi Theophrastus, gr. et lat., in-f°, Zurich, 1560 ; le même ouvrage avec la traduction latine, et les notes de Gasp. Barthius, in-4, Leipzig. 1655 ; enfin on a de lui vingt-cinq lettres insérées dans le Recueil des lettres grecques, publié par Alde Manuce, in-4, Rome, 1499, et in-f°, Genève, 1606.

ÆNÉSIDÈME. L’antiquité ne nous a laissé sur la vie d’Ænésidème qu’un petit nombre de renseignements indécis. À peine y peut-on découvrir