Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1875.djvu/54

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l’avoir été trop ; elle a pèche par excès en tout.

Les principes philosophiques de cette école la menaient tout droit à des contradictions qui de­vaient l’épuiser. Le rôle qu’elle prit, après Plo­tin, l’adversaire déclaré du christianisme, ne fit que retarder et en même temps assurer sa chute. Le polythéisme, dont personne ne voulait plus et qu’ils transformèrent en symboles, fut pour eux un obstacle et non un secours. Le philosophe n’a pas besoin de symboles ; le peuple ne les entend pas. Il les reçoit, mais grossièrement, sans in­terprétation. 11 n’y a pour lui ni symboles, ni éclectisme, ni tolerance philosophique. Cette es­pèce d’originalité qui consiste à n’en point avoir le touche peu ; il lui faut un drapeau et des en­nemis. On ne le remuera jamais que par ses pas­sions ; il n’y a pas d’autre anse pour le prendre. Les alexandrins auraient dû se renfermer dans la spéculation : le rôle de philosophes leur allait ; ils se sont perdus pour avoir essayé celui d’apôtres. De tous les empereurs, ce n’est pas Justinien qui leur a fait le plus de mal ; c’est Julien.

Les alexandrins se sont donné leur rôle et leur caractère historique ; ils l’ont choisi, ils l’ont créé avec réflexion et intelligence ; ils ne l’ont pas reçu de l’inspiration ou des circonstances ; ils l’ont accommodé aux circonstances de leur temps. Possédés à la fois de ce double esprit qui fait les superstitieux et les incrédules, disci­ples soumis jusqu’à l’abnégation, frondeurs in­trépides jusqu’au sacrilège, absorbant toutes les religions, mais pour les dénaturer, les suppri­mer et n’en garder que l’enveloppe utile à leurs desseins, profonds politiques sans habileté véri­table, imposteurs maigre la sincérité de leurs vues, souvent trompés en dépit de leur pénétra­tion, ils avaient beau connaître à fond tous les maux et tous les remèdes, tant de science leur portait préjudice. Ils poussaient la prévoyance et l’habileté jusqu’à cet excès où elle est nuisi­ble ; ils voulaient à eux seuls rassasier ces deux besoins qui partagent les hommes : le besoin de croire aveuglément, le besoin de voir évidem­ment. Ils ne savaient pas qu’à force de tout am­nistier, on perd le sentiment même de l’histoire et cet emportement nécessaire en faveur d’un principe ou d’une doctrine, qui seul donne de l’énergie et imprime un caractère. Il est peut— être beau de n’avoir aucun parti ; mais alors il faut renoncer à l’influence.

Consultez, pour l’école en général, l'Histoire critique de l’éclectisme, ou des nouveaux pla­toniciens, 2 vol. in-12, 1766 (sans nom d’auteur et sans indication du lieu de la publication), par l’abbé Maleville. — Matter ? Histoire de l’école d’Alexandrie, 3e édition, in-8. Paris, 1840. — Sainte Croix, Lettre à M. du Tlieil sur une nou­velle édition de tous les ouvrages des philoso­phes éclectiques, in-8, Paris, 1797. — Meiners, Quelques considérations sur la philosophie néo— plat., in-8, Leipzig, 1782 (en ail.). — Emm. Fichte, de Philosopliiœ novœ platonicœ origine, in-8, Berlin, 1818. — Bouterweck, Philosopho­rum alexandrinorum ac neoplalonicorum re­censio accuratior, dans les Mémoires de la Société de Goëttingue. — Olearius, Dissert, de philosophia eclectica. dans sa traduction latine de l’Histoire de la philosophie de Stanley, p. 1205.

  • Fulleborn, dans le 3’“· cahier de son recueil.
  • Mosheim, Diss. hist. ecclés., t. I, p. 85. — Keil, de Causis alieni platonicorum recentio— rum a religione christiana animi, in-4, Leip­zig, 1785. — A. Berger, Proclus, exposition de so doctrine, thèse, gr. in-8", 1840.— J. Simon, Histoire de l’école d’Alexandrie, 2 vol. in-8, Pa­ris, 1845. — E. Vacherot, Histoire critique de l’école d’Alexandrie, 3 vol. in-8, Paris, 1846— 1851. — Barthélémy Saint-Hilaire, de l École d’Alexandrie. 1 vol. in-8, Paris, 1845.— L’abbé Biet, Essai historique et critique sur l’école juive d’Alexandrie, Paris, 1853, in-8. — Voy. les articles spéciaux consacrés aux principaux philosophes alexandrins.J. S.

ALEXINUS d’Elis. Il vivait au commence­ment du iiic siècle avant l’ère chrétienne. Il ap­partenait à l’école mégarique, non pas tant par lui-même que par son maître Eubulide ; car il a cherché à fonder à Olympie une école nouvelle qu’il appelait par anticipation l’école olympique. Mais cette tentative, dont le but et le caractère scientifique nous sont restés inconnus, échoua misérablement, et Alexinus lui-même périt en se baignant dans l’Alphée. Tel était chez ce philosophe l’amour de la discussion, que, par ironie, on a changé son nom en celui d’Elenxinus (Έ).εγξϊ— νος). Il soutenait contre le fondateur du Porti­que une polémique très-ardente dont un seul trait nous a été conservé par Sextus Empiricus {.Adv. Malhem.j lib. IX, p. 108, éd. de Genève). Zénon, sous pretexte qu’on ne peut rien conce­voir de meilleur et de plus parfait que le monde, voulait qu’on reconnût en lui un être doué de raison ; Alexinus montrait parfaitement le ridi­cule de cette opinion en demandant pourquoi, par suite du même principe, le monde ne passe­rait pas aussi pour grammairien, pour poète, et pourquoi enfin on ne lui accorderait pas la même habileté dans les autres arts et dans les autres sciences. Alexinus, d’après ce que nous raconte Eusèbe (Prœp. evangel., lib. XV, c. ii), ne traitait pas mieux les doctrines d’Aristote. Outre les passages que nous venons de citer, voy. Diogène Laërce, liv. Il, c. cix et ex ; Sex­tus Empiricus, Adv. Malhem., lib. VII, p. 13, et la dissertation de Deyks, sur l’école mégarique en général.

ALFARABI, voy. FarabI.

ALGAZEL. voy. Gazali.

ALIÉNATION MENTALE, voy. FOLIE.

ALKENDI. voy. Kendi.

ALLEMANDE (Philosopiiie). La philosophie allemande commence avec Kant. Leibniz appar­tient au cartésianisme dont il est le dernier re­présentant. La philosophie française du xvm° siè­cle, accueillie à Berlin à la cour de Frédéric, exerça peu d’influence sur l’Allemagne et ne jeta pas de profondes racines dans cette terre classique du panthéisme et de l’idéalisme. Kant opéra en philosophie la même révolution que Klopstock, Goethe et Schiller en littérature. Il fonda cette grande école nationale de profonds penseurs qui compte dans ses rangs Jacobi, Fichte, Schelling et Hegel. En même temps, il ferme le xviiic siècle et ouvre le xix°. Pour com­prendre sa réforme, il faut la rattacher à ses antécédents ; car, loin de renier ses devanciers et l’esprit des écoles qui l’ont précédé, Kant ra­mène la philosophie moderne dans la voie d’où elle n’aurait pas dû sortir ; il la repla e à son point de départ, et s’il a été surnommé le se­cond Socrate, on aurait pu l’appeler le second Descartes.

Descartes avait donné pour base à la philoso­phie l’étude de la pensee ; mais, infidèle à sa propre méthode, au lieu de faire l’analyse de l'intelligence et de ses lois, il abandonna la psychologie pour l’ontologie, l’observation pour le raisonnement et l’hypotlièse. En outre, parmi les idées de la conscience, il en est une qui le préoccupe et lui fait oublier toutes les autres, l’idée de la substance. Ce principe développé par Spinoza engendre le panthéisme et devient la théorie de la vision en Dieu de Malebrauche, ce