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pas avoir besoin de sortir de la Grèce ni de l’école ionienne ; cette école se résume tout entière dans la doctrine que nous venons d’exposer. Mais Anaxagore ne s’est pas contenté de la résumer, il l’a conduite aux dernières limites qu’elle pût atteindre car elle avait commencé par la physique, elle ne cherchait autre chose que la nature, et il l’a agrandie, il l’a conduite aux portes de la métaphysique dont il entr’ouvrit même le sanctuaire. En effet, si nous ne savons pas ce qu’il a emprunté à son compatriote Hermotyme, au moins l’existence de celui-ci ne saurait être révoquée en doute, et quelques mots d’Aristote, les traditions fabuleuses répandues sur son compte, nous attestent suffisamment qu’il croyait à un principe spirituel (Arist., Metaph., lib. I, c. iii). Mais ce fait isolé a moins d’importance que les traditions plus sûres que nous avons conservées des philosophes ioniens. Ainsi que Ritter l’a démontre jusqu’à l’évidence, ils se divisent en deux classes les uns, comme Thalès, Anaximène et Héraclite, admettent un élément qui, en vertu d’une force interne et vivante, se développe sous les formes les plus variées et produit l’univers ; en un mot, ils expliquent la nature par un principe dynamique. Anaximandre, qui forme à lui seul toute une école admet, au contraire, que la matière est inaltérable de sa nature et qu’elle ne change de forme que par la position de ses éléments : de là une physique toute mécanique. Tous les éléments sont d’abord confondus dans une masse infinie ; puis en vertu du mouvement qui leur est propre, en vertu de certaines antipathies naturelles, ils se séparent peu à peu et se combinent de mille manières. Ces deux principes, réunis et nettement distingués l’un de l’autre, donnent pour résultat la philosophie d’Anaxagore. Comme Anaximandre, il reconnaît une masse confuse de tous les éléments et un nombre infini de principes inaltérables. Comme Anaximène, il admet une force vitale et interne, une puissance qui se développe par elle-même et en vertu de sa propre activité. Seulement cette puissance, nettement distinguée du principe matériel, devient une substance simple, intelligente, active, en un mot, spirituelle.

Anaxagore est le premier de tous les philosophes grecs qui ait écrit ses pensées. Mais ses ouvrages ne sont pas arrivés jusqu’à nous. Il n’en reste que des lambeaux dans les œuvres d’Aristote, de Platon, de Cicéron, de Diogène Laërce ; dans les Commentaires de Simplicius sur la Physique d’Aristote dans le recueil de Stobée et le livre pseudonyme intitulé : de Placilis philosophorum. Ces fragments, que nous avons cités en grande partie ont été recueillis et soumis à la critique par les auteurs suivants Le Batteux, Conjectures sur le système des homéoméries, dans le tome XXV des Mémoires de l’Acad. des inscript. — Heinius, Dissertations sur Anaxagore, dans les tomes VIII et IX de l’Histoire de l’Académie royale des sciences et lettres de Prusse. — De Ramsay, Anaxagoras, ou Système gui prouve l’immortalité de l’âme, etc. in-8, la Haye 1778. — Ploucquet, Dissert, de dogmatibus Thaletis Milesii et Anaxagorce Clazomenii, in-8, Tubing., 1763. Carus sur Anaxagore de Clazomène, dans le Recueil de Fülleborn, 10e cahier ; le même, Dissertatio de cosmo-theologiœ Anaxagorœ fontibus, in-4, Leipzig, 1798. J. T. Hemsen, Anaxagoras Clazomenius, etc., in-8, Goëttingue, 1821. — H. Ritter, dans son Histoire de la philosophie ancienne, et son Histoire de la philosophie ionienne. E. Bersot, de Controversis quibusdam Anaxagoroe doctrinis, Parisiis, 1843, in-8. — Zévort, sur la Vie et la doctrine d’Anaxagore, Paris, 1844, in-8. E. Schaubach,


Anaxagorœ Clazomenii fragmenta, in-8, Leipzig, 1821. Mullachius, Fragmenta philosophorum grœcorum, gr. in-8, Paris, 1860. Ces deux derniers ouvrages sont les plus utiles à consulter parce qu’ils renferment tous les fragments relatifs à Anaxagore.

ANAXARQUE d’Abdère. Disciple de son compatriote Démocrite, suivant les uns ; de Métrodore de Chios ou de Diomène de Smyrne, suivant les autres. Il fut le maître de Pyrrhon et l’ami d’Alexandro le Grand, qu’il accompagnait dans ses expéditions. Il vécut, par conséquent, durant le ive siècle avant J. C. Zélé partisan de la philosophie de Démocrite, il en pratiquait la morale dans sa vie privée plus encore qu’il n’en goûtait la théorie ; c’est ce qui lui fit donner le surnom d’eudémoniste, c’est-à-dire partisan de la philosophie du bonheur (Diogène Laërce, liv. IX, ch. LX).

ANAXILAS ou ANAXILAÜS de LARYSSE [Anaxilaus Laryssoeus]. Pythagoricien du siècle d’Auguste, moins fameux pour ses opinions philosophiques que pour son habileté dans les arts de la magie ; il a traité lui-même ce sujet dans un écrit (Ηαίγνια, seu Ludicra) dont nous trouvons quelques échantillons chez Pline (Hist. nat., liv. XIX, ch. i liv. XXVIII, ch. ii ; liv. XXXV, ch. xv). Cette prétendue science attira sur lui une accusation qui l’obligea à fuir l’Italie, comme le rapporte Eusèbe dans sa Chronique.

ANAXIMANDRE. Ce philosophe naquit à Milet. L’époque de sa naissance paraît pouvoir être rapportée à la seconde année de la XLIIe olympiade, car Apollodore dit qu’il avait soixante-quatre ans la seconde année de la XVIIIe olympiade. Le même historien ajoute qu’il mourut peu de temps après.

Anaximandre, qui avait été le disciple et l’ami de Thalès, Θαλητος κοινότης, se livra comme lui aux études astronomiques. Le témoignage d’Eusèbe en fait foi, et ce témoignage se trouve confirmé par celui de Favorinus dans Diogène Laërce. Voici quelles étaient en cette matière les opinions d’Anaximandre : La terre est de figure sphérique, et elle occupe le centre de l’univers. La lune n’est pas lumineuse par elle-même, mais c’est du soleil qu’elle emprunte sa lumière. Le soleil égale la terre en grosseur, et il est composé d’un feu très pur. Diogène, sur l’autorité de Favorinus, ajoute qu’Anaximandre avait inventé le cadran solaire ; que, de plus, il avait fait des instruments pour marquer les solstices et les équinoxes ; que, le premier, il avait décrit la circonférence de la terre et de la mer, et construit la sphère. Il est probable que la plupart de ces travaux astronomiques et géographiques ne furent que de simples essais, car on les retrouve, plus tard, attribués également à Anaximène. Les découvertes d’Anaximandre ne furent, selon toute vraisemblance, que des tâtonnements scientifiques, des tentatives incomplètes, qui, de la main de ses successeurs dans l’école ionienne, durent recevoir et reçurent en effet des perfectionnements.

Les travaux astronomiques et géographiques d’Anaximandre n’étaient, au reste, qu’un appendice à sa cosmogonie, et rentraient ainsi dans un système général de philosophie qui avait pour objet l’explication de l’origine et de la formation des choses. Thalès avait le premier tenté cette explication, et l’eau lui avait paru être l’élément primordial et générateur : « Car il avait remarqué (Arist., Metaph., liv. I, c. III) que l’humide est le principe de tous les êtres, et que les germes de toutes choses sont naturellement humides. » Anaximandre vint modifier considérablement la solution apportée par son devancier et son maître au problème cosmogonique. Non seulement