Page:Fraser's Magazine for Town and Country (IA frasersmagazine24unkngoog).pdf/787

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réussi que les autres nations à obtenir ce qu’ils visent tous, qu’ils pensent qu’elle doit le rechercher plus qu’eux dans une quête sans repos ni partage. C’est certes une cause qui les prédispose, les préparant à cette opinion et les y faisant pencher. Il est naturel de supposer que ceux qui remportent le prix y ont mis l’acharnement qu’il faut, que le surcroit de succès doit être le fruit de l’effort le plus inlassable ; et qu’en l’absence des moyens ordinairement employés pour distancer les adversaires, lorsque ces derniers sont néanmoins distancés, les moyens employés doivent avoir été encore plus subtiles et profonds. Cette idée préconçue les pousse à chercher partout des indices à l’appui de l’explication de notre conduite par l’égoïsme. Si notre conduite ordinaire ne corrobore pas cette interprétation, ils scrutent les exceptions, et en font la mesure effective des intentions qu’elles contiennent. Ils prennent en outre au premier degré toutes les expressions habituelles par lesquelles nous nous représentons comme étant pires que nous ne sommes ; des expressions souvent employées par les hommes d’État anglais — tandis qu’elles ne le sont presque jamais chez ceux des autres pays — en partie parce que les Anglais, plus que toute autre race humaine, sont si timides dans l’affirmation de leurs qualités qu’ils vont au contraire jusqu’à avouer des vices ; et en partie parce que presque tous les hommes d’État anglais, tout en étant insouciants à un point qu’aucun étranger ne peut deviner quant à l’impression qu’ils produisent sur les étrangers, commettent la sottise obtuse de supposer que les objets les plus vils sont les seuls qui puissent plaire aux esprits de leurs compatriotes non aristocratiques, et qu’il est toujours expédient, sinon nécessaire, de placer ces objets au premier rang.

Ainsi, tous ceux qui parlent ou agissent au nom de l’Angleterre sont liés par la plus forte obligation, à la fois de prudence et de devoir, d’éviter de tendre des perches à des interprétations erronées, de brider sévèrement la manie de déclarer agir pour des motifs plus mesquins que ceux qui déterminent réellement notre action, et de faire attention de ne pas perversement ou capricieusement monter en épingle quelque occurrence particulière d’action fondée sur un principe moins honorable que celui qui nous guide ordinairement. À l’heure actuelle, ces deux salutaires consignes de prudence sont ignorées de manière flagrante par nos hommes d’État en exercice.

Nous sommes à l’un de ces moments critiques, qui ne surviennent pas même une fois par génération, où l’orientation générale des événements d’Europe et le cours de l’histoire européenne dans le long terme pourrait dépendre de l’action et du raisonnement de l’Angleterre. À un tel moment, il est difficile de dire si c’est par les défaillances de leurs actes ou de leurs discours que nos hommes d’État jouent le jeu de nos ennemis le plus efficacement, et donnent une coloration de justesse aux dommageables idées fausses qui circulent sur notre caractère et notre politique en tant que peuple.

Pour commencer par les défaillances de discours : quelle sorte de langage est tenue dans chaque prise de parole que tient, durant la présente crise européenne, chaque ministre anglais ou presque chaque homme public de quelque importance à l’intention du parlement ou de ses électeurs ? L’éternelle répétition de ce refrain usé : « nous ne nous sommes pas interposés, parce qu’aucun intérêt anglais n’était en jeu » ; « Nous ne devrions pas nous ingérer lorsqu’aucun intérêt anglais n’est concerné ». L’Angleterre s’expose ainsi comme un pays dont les hommes les plus distingués n’ont pas honte d’adhérer, comme hommes politiques, à une règle d’action que personne, à moins d’être extrêmement ignoble, ne peut souffrir qu’on l’accuse d’en faire la maxime qui guide sa vie privée : de ne pas bouger un doigt pour les autres à moins d’y voir son propre intérêt. Il y a beaucoup à dire sur la doctrine disant qu’une nation devrait accepter d’aider ses voisins à se débarrasser de l’oppression et à obtenir des institutions libres. Ils ont beaucoup à dire aussi, ceux qui maintiennent qu’une nation n’est pas compétente pour juger et agir pour une autre, et que chacune devrait être laissée à se secourir elle-même, et rechercher les avantages ou se soumettre aux désavantages à la hauteur de ses capacités et de sa détermination. Mais de toutes les attitudes qu’une nation peut choisir au sujet de l’intervention, la plus vile et la pire est de déclarer qu’elle s’ingère uniquement quand elle peut ainsi servir ses propres intérêts. Chaque autre nation est en droit de dire : « Il semble donc que la non-ingérence n’est pas une question de principe pour vous. Quand vous vous abstenez d’une ingérence, ce n’est pas parce que vous la pensez fautive. Vous n’avez pas