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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

escuyer des nôtres en vouloit un prendre, on lui occioit entre ses mains.

« Ainsi chéirent en pestillence et déconfiture nos ennemis ; et fut toute nettement ruée jus sans recouvrance l’avant-garde. Lors vint la bataille du roi de Castille, et le roi aussi, où bien avoit vingt mille hommes tous bien montés. Mais quand ils approchèrent il étoit jà nuit, et ne savoient pas le grand meschef qui leur étoit advenu de leurs gens. Si vinrent faire leur montre sur leurs chevaux par devant nous ; et firent plus de cinq cens, par appertises d’armes, saillir leurs chevaux tout outre le fossé. Mais sachez, monseigneur, que tous ceux qui y passèrent, oncques pied n’en repassa ; et furent là occis des Castelloings tout ou partie des plus nobles de ceux qui aimoient et désiroient le plus les armes, avecques grand’planté de barons et chevaliers de Portingal qui s’étoient contre nous tournés avec le roi de Castille. Et quand nos gens virent et connurent que nos ennemis se déconfisoient ainsi, ils passèrent tout outre le fossé et le tantet d’algue que là avoit, car en plus de quarante lieux elle étoit esclusée des morts qui y étoient versés et couchés. Si demandèrent leurs chevaux et montèrent, et puis se mirent en chasse ; mais longuement ne fut-ce pas, pour ce qu’il étoit nuit : si ne se vouloient pas nos gens abandonner follement ni aller trop avant, pour la doute des embûches ; et si n’étoient pas si bien montés comme les Castelloings étoient ; car si ils l’eussent été, pour vérité, ite eussent reçu plus de dommage assez que ils ne firent, et eût été le roi de Castille sans faute mort ou pris ; mais la nuit qui nous survint tout obscure, et-être foiblement montés, les sauva. Or vous vueil-je nommer premièrement la greigneur partie des nobles tant Espagnols, François et Gascons comme Portingalois qui là moururent sur le champ que on dit à la Cabasse de Juberot ; et premièrement :

Le comte Damp Jean Alphonse Rote[1], le grand Prieur de Saint-Jean de Portingal, Damp Dilg Avres son frère[2], Ange Salvace de Gennève, Damp Jean Ausalle, messire Dagomes Mendrich, Digho Per Serment, Pierre Ru Sierment, Lu-

  1. Probablement le comte Jean Alphonse Tello, amiral de Portugal, comte de Majorque et auparavant de Barcelos, frère de la reine Léonore, pour qui la bataille se livrait.
  2. Au lieu de fatiguer le lecteur en cherchant, et souvent peut-être infructueusement, à redresser ces différens noms, je vais rapporter ici la liste des morts, telle que la donne Duarte de Liaò, d’après l’autorité de Fernand Lopez, et de Pedro Lopes de Ayala qui avait lui-même assisté, à la bataille et avait été fait prisonnier. Le témoignage de ces deux chroniqueurs est tout-à-fait digne de foi. Fernand Lopez était gardien de la torre do tombo, dépôt des archives de Portugal. Lopes de Ayala avait été revêtu des plus hautes charges en Castille ; il avait été successivement ambassadeur à Rome, en France et en Arragon : lors de son ambassade en France, il fut même nommé par Charles VI grand chambellan et membre du conseil, et assista à la bataille de Rosebecq dans les rangs de l’armée française. En Espagne il combattit en faveur de D. Henri et fut fait prisonnier à la bataille de Najara : il fut également malheureux dans la bataille d’Aljubarota. Lopes de Ayala a écrit, outre les Chroniques des rois de Castille de son temps, un titre sur la chasse, un autre sur l’art du courtisan, et il a traduit en espagnol les Miracles de saint Grégoire, le Souverain bien d’Isidore, les Consolations de la Philosophie de Boèce, Tite-Live, le Traité de Boccace sur la chute des princes et plusieurs autres ouvrages.

    Voici la liste des morts d’après ces deux chroniqueurs :

    Don Pedro, fils de D. Alphonse, marquis de Villena, premier connétable de Castille, de la maison royale d’Arragon ; D. Jean de Castille, seigneur d’Aguilar et de Castanheda, fils du comte D. Tello, seigneur de Biscaye ; D. Fernando, fils du comte D. Sanche, petit-fils du roi D. Alphonse IX ; D. Pedro Diaz, prieur de Saint Jean ; le comte de Vilhalpando ; D. Diego Manrique, adelantado major de Castille ; D. Pedro Gonçalvez de Mendoça, grand majordome du roi D. Jean ; Fernandez de Tovar, amiral de Castille ; D. Diego Gomez Manrique ; D. Diego Gomez Sarmiento, adelantado de Galice ; Pedro Gonçalvez Carillo, maréchal de Castille ; Joaò Perez de Godoy, fils du maître de Santiago ; D. Pedro Moniz de Godoy, auparavant maître de Calatrava, Fernand Carillo de Priego, Fernand Carrillo de Macuello, Alvaro Gonçalvez de Sandoval, Fernand Gonçalvez de Sandoval, son frère ; D. Joaò Ramirez de Arellano, seigneur de Cameros, Joaò Ortiz, seigneur de Las Cuevas, Ruy Fernandez de Tovar, Goterre Gonçalvez de Quiròs, Gonçalo Alphonse de Cervantes, Diego de Tovar, Ruy Barba, Diego Garcia de Toledo, Joaò Alvarez Maldonado, Garcia Dias Carillo, Lopo Fernandez de Seville, Jean Alphonse de Alcantara, D. Gonçalò Fernandez de Cordoue, Pedro de Velasco, Ruy Dias de Rojas, Gonçalo Gonçalvez de Avila, Sancho Carillo, Jean Duque, Ruy Vasques de Cordova, Pierre de Beuil et un de ses fils, Pero Gomez de Parras et deux de ses fils, Ruy de Tovar, frère de l’amiral, le grand commandeur de Calatrava, Gomez Goterrez de Sandoval, Alvaro Nunez Cabeça de Vacca, Lopo Fernandez de Padilla, Jean Fernandez de Mexica, Pero Soares de Toledo, Fernaò Rodriguez de Escorar, Alvaro Rodriguez de Escovar, Lopo Rodriguez de Assa, Ruy Ninho, Lopo Ninho, Jean Ninho, tous trois frères ; Garcia Gonçalvez de Quiroz, Lopo Gonçalvez de Quiroz, deux frères ; Sancho Fernandez de Tovar ; Ayrez Pirez de Camòes, Galicien ; un Français, De Roye, ambassadeur du roi de France ; Geoffroy Ricon, Geoffroy de Partenay et