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DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

main sa devise, nul ne s’y frotte. Dans le second volume sept feuilles ont été enlevées par quelqu’un qui l’a eu entre les mains. Le troisième volume a aussi perdu huit feuillets. Le quatrième volume est complet ; il se termine comme tous les autres par la devise d’Antoine de Bourgogne et on lit à la dernière page : Grossé par David Aubert l’an de grâce N.-Seigneur mil cccclxviii ; ce qui démontre que ce manuscrit est fort moderne, Guttemberg et Fust, deux des inventeurs de l’imprimerie, étant déjà morts depuis quelques années, lorsque cette copie fut faite.

John Ephraïm Scheibel, inspecteur de la bibliothèque de Breslau, a donné un compte fort détaillé de ce manuscrit dans sa notice des objets les plus remarquables de cette bibliothèque, adressée au roi Frédéric Guillaume en 1794. Mais M. Dacier a eu le manuscrit même entre les mains. D’Alembert ayant prié le roi de Prusse de rendre ce service à M. Dacier, Frédéric fit envoyer, en décembre 1777, ce manuscrit à d’Alembert pour que M. Dacier en fît l’usage qu’il jugerait convenable d’en faire. Après l’avoir conservé plusieurs mois entre ses mains, et collationné soigneusement avec quelques autres manuscrits, M. Dacier s’assura bientôt que le nombre et le coloris brillant des desseins et la beauté du vélin avaient fait toute sa réputation, et il le renvoya à Breslau après avoir fait faire une copie figurée de quelques lignes du commencement et de la fin de chacun des volumes. J’ai ce fac simile en ma possession[1].

ANGLETERRE.

Il existe un très grand nombre de manuscrits de Froissart. On trouve dans les catalogues des manuscrits des bibliothèques d’Angleterre (Oxon. 1697, in-folio) parmi ceux de Bodlei, no 1503, une chronique de Froissart en français, manuscrite, et no 7361, Notes out of Froissart, Pancirolus… collected by M. Ashmole. Parmi ceux d’Isaac Vossius, no 2669, une histoire de Froissart plus ample et plus correcte que les imprimés, deux volumes, et parmi ceux de Norfolk, no 2965, Jean Froissart, chronique d’Angleterre, Gallice, deux volumes.

Je trouve dans les papiers de M. Dacier plusieurs lettres de M. Dutens, historiographe du roi d’Angleterre, datées de Londres, des années 1784, 1786, 1787 et 1802, relatives presque toutes au manuscrit de Froissart du musée britannique. M. Dutens lui écrit à la date du 3 septembre 1781 : « Voici, monsieur et cher confrère, ce que vous désirez avoir d’informations au sujet du manuscrit de Froissart du musée britannique. J’ai calqué du mieux que j’ai pu l’échantillon que je vous envoie[2], mais ce qui doit vous éclairer encore mieux, c’est que les connaisseurs en ce genre m’ont assuré que ce manuscrit ne pouvait pas être plus ancien que le quinzième siècle, et, autant qu’on en peut juger vers le milieu. »

M. Dutens ayant écrit à M. Dacier que l’acte du parlement qui règle les constitutions du musée britannique ne permettait pas qu’on lui envoyât le manuscrit en question, celui-ci le pria de répondre du moins à plusieurs questions qui pouvaient l’aider à se former une idée nette du mérite de ce manuscrit. Il résulte des réponses de M. Dutens : que ce manuscrit est en deux volumes in-folio ; que le milieu de l’ouvrage seulement s’y trouve, et qu’il n’y a ni le commencement ni la fin ; qu’il est sur vélin à deux colonnes, tout entier de la même main ; qu’il y a beaucoup de miniatures et de vignettes proportionnées au format et très bien conservées, et que c’est même ce qui a fait la réputation du manuscrit ; que les lettres initiales des chapitres sont très bien peintes et ornées ; qu’on trouve de temps en temps en marge des armoiries qu’on croit appartenir à l’ancienne maison de Say ; que les titres des chapitres sont en lettres rouges ; que la table des chapitres manque ; qu’il y a environ deux cents feuillets par volume ; et qu’enfin l’écriture indique que c’est un manuscrit de la fin du quinzième siècle.

  1. Depuis la publication de cette préface, j’ai reçu de M. Léon de La Borde, qui a fait des recherches fort intéressantes sur les Chroniques de Froissart, une lettre qui me fournit quelques nouveaux renseignemens sur ce manuscrit. Je demande permission à M. de La Borde de citer ce fragment de sa lettre.

    « Plein encore du souvenir des manuscrits de Paris je suis allé à Breslau ; mais en route j’ai trouvé deux traductions danoises sans intérêt, et un manuscrit que vous n’avez pas cité et dont je ne puis vous parler, parce que je ne l’examinerai que dans le cours de cet été (1835).

    « Le manuscrit de Breslau n’est pas tout-à-fait digne de sa réputation, mais il ne mérite pas non plus toute votre sévérité. Un examen attentif m’a permis d’en tirer ce qu’il y a de bon, et c’est assez considérable pour ne pas regretter les peines du voyage. Vous sentez que je n’avais pas laissé passer inaperçu la lacune remplie par les grandes Chroniques de Saint-Denis. Elle entre, avec mes autres comparaisons, dans un couronnement des deux premiers volumes déjà fait, non-seulement mot pour mot, mais orthographiquement, ce qui d’ailleurs était aura inutile, vu la date du manuscrit. Je suis en arrangement pour qu’en mon absence de Breslau on puisse collationner le reste du manuscrit.

    « Sous le rapport des ornemens, les miniatures du premier volume sont indignes de la moindre attention ; mais celles des trois autres, du quatrième surtout, rappellent le plus beau temps de l’école flamande, c’est du Van Eyck vu avec une lorgnette retournée. »

  2. J’ai conservé ce fac simile.