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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

temps étoit une grosse ville non fermée séant sur la rivière d’Aude qui descend d’amont vers Carcassonne ; et dessous Narbonne, à trois lieues, elle chiet en la mer qui va en Chipre et par tout le monde.

La cité de Narbonne qui joint au bourg étoit assez bien fermée de murs, de portes et de tours, et là dedans est l’hôtel le comte Aimeri de Narbonne qui, pour ce temps que le prince de Galles et les Anglois se vinrent loger au bourg, y étoit, et grand’foison de chevaliers et d’écuyers du pays Narbonnois et d’Auvergne que le dit comte

    teresces arz et destruitz, qar la terre estoit mult riche et plenteouse ; et si n’estoit nulle journé qe villes, chasteaux et forteresces n’etoient prises par ascune de noz batailles ou par chescune. Et d’illesqes alasmes à la ville de Avinonetes q’estoit bien graunt et fort, et fust par force dedeinz quelle estoient loggez toutz nos batailles. Si alasmes d’illeosqes à Chastielnaudary où nous venismes la veille de Toutz Seintes, et demurrasmes illesqes le jour de le feste tout l’ost dedeinz loggé. Et d’ilesqes prismes notre chemyn à Carcasson q’estoit belle ville et graunt, et grauntz cheveynteyns dedeinz et des gentz d’armes et comunes à graunt nombre, qar tut le pluis de gentz du païs de Tholousane tant qe là estoient fuis ; mais à notre venue ils guerpèrent la ville et s’enfuirent à l’auncien ville q’esfoit mult fort chastiel. Si demurrasmes illesqes II jours tut l’ost dedeinz loggé ; et le tierce jour entier demurrasmes sour l’ardour de la dite ville, si q’ele estoit netement destruit et defet. Et puis chivachasmes tut la païs de Carcassées, tant qe neus venismes à la ville de Nerbone q’estoit noble ville et graunt assetz pluis qe n’estoit Carcassone laquelle les gentz d’icelle guerperount et mistrent en chastiel dedeintz qe le estoit le vicounte de Nerbone od D cent hommes d’armes, à ceo come dist est, où nous demurrasmes II jours, l’ost dedeinz loggé ; à quelle heure le Seint Piere le pape maunda devers nous II evesques, les queux maunderent à nous pour conduyt avoir, lequele nous ne lor vodroms ottroier ; qar nous ne vorroms entrer en treté nul tanqe nous sussoms la volunté notre très honouré seigneur et piere le roy d’Engleterre, et nomément par cause que nous avoms novelx qe notre seigneur estoit passé la mear ovesqe sa poar. Einz lour ranandasmes par noz letres qe s’ils vorront treter ils se treassent devers luy, et ceo q’il nous vorroit comaunder nous le ferrons, et en tiele manere ils se retournerent. Et illeosqes prismes notre consail vers où nous purrons meultz trere ; et par cause qe nous avoms novels de prisoners et aultres qe noz ennemys estoient assemblez et venoient après nous pour nous combattre, nous retournasmes devers eaux d’aver en la bataille deinz les treiz jours en suauntz, et sour notre retourn devers eaux ils se retournèrent devers Tholouse. Si les pursuismes à graunte journés tanqe près Tholouse où nous prismes notre chemyn à passer Gerounde à une ville appellé Calboun à trois leages de Tholouse, où nous demurrasmes un jour. Et la nuyt suaunt devaunt la my nuyt nous viendrent novelx qe les ennemys od tut lour poair, c’est assavoir, le counte d’Erminake, le constable de France, le mareschal Clermound et le prince d’Orenge, ensemblement od plusours aultres grauntz de ycelles parties, estoient venuz de Tholouse et se loggerent à II leages près de notre rere-gard où ils pardrent de lour gentz et cariages sous lour loggier. Sour quelles novels nous treismemes devers eaux ; et sour ceo mandasmes hors hors mounseir Barth. de Burgwesh, mounseir Johan Chandos, mounseir James d’Audelé, mounseir Bawdewin Botour, mounseir Thomas de Filtoun et aultres de nôtres, à la mountance de XXX gleyves, de noz certifier de certeinté desditz enemys ; les queux chivachoient devers eux tanqe ils viendrent à une ville où ils trovèrent CC hommes d’armes de lour, ove les queux ilsavoient à feare, et pristerount de eaux XXX et V hommes d’armes. Sour quele busoigne les ennemis se hastoient mult affrément à lour logges et tendrent lour ebaâyn tout droit à les villes de Lombeys et Sauveterre, lesquelles villes n’estoient l’une de l’autre que dimi liege engleie ; devaunt quelles nous nous loggasmes la nuyt, si près de eaux que nous purroms véer lour fewes en lour logges ; mais il y avoit entre eaux et nous une grande profounde ryver ; et de nuyt devaunt notre venue ils ont debrusé les pounts, si que nous ne pourroms passer tanqe lendemayn que nous mandasmes nos gentz devaunt pour feare les dilz pounlz. Et d’illesqes les enemys se treerent à la ville de Gymound où nous venismes le jour qu’ils y viendrount ; et devaunt q’ils purroient entrer la dite ville, noz gens pristrent et tuerent tut plein de lour ; et mesme celle nuyt nous loggasmes devaunt la dite ville et demurrasmes illeosqes lendemayn tout la jour, entendauntz d’aver es la bataille. Et le dit jour estoioms armez od toutz nos batailles ès champs devaunt le solail levaunt, où nous vendrent novelx qe devaunt jour la pluis graunt partie de lour ost estoient departez ; mais les cheveyntey ens demurrerent en pées en la dite ville q’estoit graunt et forte pour tenir encountre multz des géntz. Et après celes novels nous retournasmes à nos logges et prismes consail que meult nous seroit à feare. Sour qoi, nous n’entendismes pas q’ils vorront aver le bataille, accordez estoit qe nous nous deverons trere devers noz marches, en manere et solonc ceo que mounseir Richard de Stafforde vous savera plus pleinement dire qe nous ne vous puissoms escrivere ; à qi voiliez de cestes choses et toutz aultres q’il dira et monstera de par nous doner plein foie et credence. Reverent piere en Dieux et très fiable amy, luy tut puissaunt vous eit toutz jours en sa garde. Doné soutz notre secré sceal à Burdeaux le jour de Noel. »

    Lettre de J. Wingfeld, commandant dans l’armée du prince de Galles et un de ses principaux conseillers.

    Mounseir, quaunt as novels devers noz partiez vous please entendre qe mounseir le prince et toutz les countes, barons, banerets, chivalers et esquiers estoient en fesaunce du ceste en bone sanité, et mounseir n’ad en toute cestes viage pardue nul chivaler ne esquier sinoun mounseir Johan de Lisle qe fust tuez moult merveilousment d’un quarel, le tierce jour qe nous entrasmes en les terres de nos enemys, et morrust le xve jour octobre. Et, mounseir, vous please savoir qe mounseir ad chiachée parmye le countée d’Ermynake et ad pris illesqes plusours villes