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LIVRE I. — PARTIE II.


CHAPITRE CXXXVI.


Comment le roi d’Angleterre vint à Calais et s’entrefêtoient chacun jour les deux rois ; et comment autres lettres de la paix furent faites et scellées des deux rois.


Ainsi demeura le roi de France à Calais, du mois de juillet jusques en la fin du mois d’octobre. Quand ces choses furent si approchées que le paiement fut tout pourvu, si comme ci-dessus est dit, et venus à Saint-Omer ceux qui devoient entrer en hostagerie pour le roi de France, le roi d’Angleterre, informé de toutes ces choses repassa la mer à grand’quantité de seigneurs et de barons et vint de rechef â Calais[1]. Là eut grands parlemens de l’une partie et de l’autre, du conseil des deux rois, qui par l’ordonnance de la paix s’appeloient frères. Là furent derechef lues, avisées et bien examinées les lettres de la paix, à savoir si rien y avoit à mettre ni à ôter, ni nul article à corriger. Et tous les jours donnoient les deux rois à dîner l’un à l’autre et leurs enfans, si grandement et si étoffément que merveilles seroit à penser ; et étoient en reviaulx et récréations ensemble si ordonnément, que grand’plaisance prenoient toutes gens au regarder ; et laissoient les deux rois leurs gens et leur conseil convenir du surplus. Si que entr’eux il fut là avisé et regardé, pour le meilleur et pour la plus grand’sûreté, que autres lettres comprenant tous les articles de la paix fussent écrites et scellées des deux rois présens et leurs enfans. Et pour ce que le certain arrêt de la paix venoit et descendoit du roi d’Angleterre, ces lettres qui furent là faites disoient ainsi[2].


CHAPITRE CXXXVII.


Ci s’ensuit la lettre de confédération que fit le roi d’Angleterre à Calais, en confirmant mieux la paix entre lui et le roi de France.


Édouard, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Savoir faisons, que nous pensant et considérant que les rois et princes chrétiens qui veulent gouverner le peuple qui leur est sujet doivent fuir et eschever guerre, dissensions et discords dont Dieu est offendu, et querre et aimer, pour eux et pour leur sujets, paix, unité et concorde, par laquelle l’amour du souverain roi des rois peut être acquise, les sujets sont gouvernés en tranquillité, et aux périls des guerres est obvié ; et recordant les grands maux, dommages et afflictions que notre royaume et nos sujets ont soutenus par long temps, pour cause et occasion des guerres et discords qui ont duré longuement entre nous et notre très cher frère le roi de France et les royaumes sujets, aidans et alliés d’une part et d’autre ; sur lesquelles, entre nous et notre dit frère, finalement est fait bon accord, et bonne paix reformée ; et désirant icelle garder, tenir et persévérer en vraie amour perpétuellement par bonnes et fermes alliances entre nous et notre dit frère, nos hoirs et les royaumes et les sujets de l’un et de l’autre, par quoi justice en soit mieux gardée et exercée, les droits et les seigneuries de l’un et de l’autre mieux défendues, les rebelles, malfaiteurs, désobéissans à l’un et à l’autre être plus aisément contrains à obéir et cesser des rébellions et excès, et toute chrétienté être maintenue en plus paisible état, et la Terre-Sainte en pourroit être mieux secourue et aidée ; et toutes ces choses et autres attendant et considérant que notre saint père le pape ait dispensées par grand’délibération avec nous et notre dit frère de France, c’est à sçavoir, avecques nous et nos sujets, tant gens d’église comme séculiers, sur toutes les confédérations, alliances, conventions et obligations, lettres et sermens qui étoient entre nous, notre royaume et nos sujets d’une part, et les pays et les bonnes villes, gens et sujets de Flandre d’autre part : comme le bien et l’effet de la dite paix entre nous et notre dit frère de France, les royaumes, sujets de France et d’Angleterre peuvent être empêchés par icelles ; et pour ce, les ait notre dit saint père cassées, ôtées, annulées et irritées du tout, si comme en ses lettres et procès sur ce fait est plus pleinement contenu : pour considération des cessions et causes dessus dites, et aussi voulant accomplir, en tant comme toucher nous doit, le dit accord fait sur les dites

  1. Le roi d’Angleterre arriva à Calais le 9 octobre.
  2. La pièce qu’on va lire n’est point, comme Froissart semble l’annoncer, la véritable charte de la paix avec les corrections qui y furent faites à Calais ; ce sont, ainsi que le porte le titre, les lettres de confédération et d’alliances auxquelles les deux rois s’étaient engagés par le traité. Rymer a publié les mêmes lettres données par le roi Jean à Boulogne le 26 octobre. Elles ne diffèrent de celles-ci que par les noms du prince et de ceux qui jurent avec lui l’observation des alliances. On y trouve aussi le traité de paix corrigé et ratifié par les deux rois le 24 octobre.