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LIVRE I. — PARTIE II.

François leurs batailles, et en firent trois et une arrière-garde.

La première bataille eut messire Bertran du Guesclin atout les Bretons, dont je vous en nommerai aucuns chevaliers et écuyers, premièrement monseigneur Olivier de Mauny et monseigneur Hervé de Mauny, monseigneur Eon de Mauny frères et neveux du dit monseigneur Bertran, monseigneur Geoffroy Feiron, monseigneur Allain de Saint-Pol, monseigneur Robin de Guite, monseigneur Eustache et monseigneur Allain de La Houssoye, monseigneur Robert de Saint Père, monseigneur Jean le Boier, monseigneur Guillaume Bodin, Olivier de Quoiquen, Lucas de Maillechat, Geffroy de Quedillac, Geffroy Palen, Guillaume du Hallay, Jean de Pairigny, Sevestre Budes, Berthelot d’Angoullevent, Olivier Feiron, Jean Feiron son frère et plusieurs autres bons chevaliers et écuyers que je ne puis mie tous nommer ; et fut ordonné pour assembler à la bataille du captal.

La seconde, le comte d’Aucerre ; et si étoient avecques lui gouverneurs de celle bataille le vicomte de Beaumont et messire Baudoin d’Ennequins maître des arbalétriers ; et eurent avec eux les François, les Normands et les Picards, monseigneur Oudart de Renty, monseigneur Enguerran d’Eudin, monseigneur Louis de Haveskerques et plusieurs autres barons chevaliers et écuyers.

La tierce eut l’archiprêtre et les Bourguignons ; avec lui monseigneur Louis de Châlons, le seigneur de Beaujeu, monseigneur Jean de vienne, monseigneur Guy de Trelay, messire Hugues Vienne et plusieurs autres ; et devoit assembler cette bataille au bascle de Mareuil et à sa route.

Et l’autre bataille qui étoit pour arrière-garde, étoit toute pure de Gascons, desquels messire Aymemon de Pommiers, monseigneur le soudich de l’Estrade, messire Perducas de Labreth et mon seigneur Petiton de Curton furent souverains et meneurs. Or eurent là ces chevaliers gascons un grand advis : ils imaginèrent tantôt l’ordonnance du captal et comment ceux de son côté avoient mis et assis son pennon sur un buisson, et le gardoient aucuns des leurs, car ils en vouloient faire étendart. Si dirent ainsi : « Il est de nécessité que quand nos batailles seront assemblées, nous nous traions de fait, et adressons de grand’volonté, droit au pennon du captal, et nous mettrons en peine du conquerre : si nous le pouvons avoir, nos ennemis en perdront moult de leur force et seront en péril d’être déconfits. » Encore avisèrent ces dits Gascons une autre ordonnance qui leur fût moult profitable, et qui leur parfit leur journée.


CHAPITRE CLXXIII.


Comment les Gascons s’avisèrent d’un bon avis par quelle manière le captal seroit pris et emporté de la bataille.


Assez tôt après que les François eurent ordonné leurs batailles, les chefs des seigneurs se mirent ensemble et se conseillèrent un grand temps comment ils se maintiendroient ; car ils véoient leurs ennemis grandement sur leur avantage. Là dirent les Gascons dessus nommés une parole qui fut volontiers ouïe : « Seigneurs, bien savons que au captal a un aussi preux chevalier et conforté de ses besognes que on trouveroit aujourd’huy en toutes terres ; et tant comme il sera sur la place et pourra entendre à combattre il nous portera trop grand dommage : si ordonnons que nous mettions à cheval trente des nôtres, tous des plus apperts et plus hardis par avis, et ces trente n’entendront à autre chose fors à eux adresser vers le captal ; et pendant que nous entendrons à conquerre son pennon, ils se mettront en peine, par la force de leurs coursiers et de leurs bras, à dérompre la presse et de venir jusques au captal ; et de fait ils prendront le dit captal, et trousseront, et l’emporteront entr’eux, et mèneront à sauveté quelque part, et jà n’y attendront fin de bataille. Nous disons aussi que, si il peut être pris ni retenu par telle voie, la journée sera nôtre, tant fort seront ébahis les gens de sa prise. » Les chevaliers de France et de Bretagne qui là étoient, accordèrent ce conseil légèrement, et dirent que c’étoit un bon avis, et que ainsi seroit fait. Si trièrent et élurent tantôt entr’eux et leurs batailles trente hommes d’armes des plus hardis et plus entreprenans par avis qui fussent en leurs routes, et furent montés ces trente, chacun sur bons coursiers, les plus légers et plus roides qui fussent en la place, et se trairent d’un lez sur les champs, avisés et informés quel chose ils devoient faire ; et les autres demeurèrent tous à pied sur les champs en leur ordonnance, ainsi qu’ils devoient être.