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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

écuyers durs, hardis et entreprenans, tels que messire Perducas de Labreth, messire Robert Ceny, messire Robert Briquet, messire Garsis du Châtel, messire Gaillart Vigier, Jean Cresuelle, Naudont de Bagerant, Aymemon d’Ortige, Perrot de Savoie, le bourg Camus, le bourg de l’Esparre, le bourg de Breteuil, Espiote et Lamit, et plusieurs autres. Si vous dis que messire Bertran du Guesclin, messire Arnoul d’Audrehen, le comte Sanche, messire Gomes Garils et les chevaliers de France et d’Arragon qui se combattoient durement à ces routes, ne l’avoient mie davantage, car ces compagnies et ces gens sont durement forts et usés d’armes. Et encore y étoient grand’foison de bons chevaliers et écuyers d’Angleterre, sous la bannière du duc de Lancastre et celle de messire Jean Chandos : car là étoient messire Guillaume de Beauchamp, fils au comte de Warvich, messire Raoul Camois, messire Gautier Oursuich, messire Thomas de Daimer, messire Jean de Grandçon, messire Jean du Pré, messire Aimery de Rochechouart, messire Gaillart de la Motte, et plus de deux cents chevaliers que je ne puis nommer ni tous deviser. Et aussi, à parler justement d’armes, ledit messire Bertran du Guesclin et le maréchal d’Audrehen, et messire le Bègue de Vilaines et le sire d’Antoing, le sire de Brifueil, messire Gauvain de Bailleuil, messire Jean de Berguetes, le Bègue de Villiers, l’Allemand de Saint-Venant, et les bons chevaliers et écuyers de France qui là étoient, s’acquittèrent loyaument. Et sachez de vérité que si les Espaignols en eussent aussi bien fait leur devoir comme ils firent, les Anglois et les Gascons eussent eu plus à souffrir qu’ils n’eurent. Si ne demeura-t-il mie au roi Henry qu’il ne fît bien son devoir de combattre vaillamment et hardiment, et de reconforter et admonester ses gens, et d’aller au devant de ceux qui branloient ; et disoit ainsi : « Seigneurs, je suis votre roi ; vous m’avez fait roi de toute Castille, et juré et voué que pour mourir vous ne me faudrez : gardez, pour Dieu ! votre serment, et ce que vous m’avez juré et promis, et vous acquittez envers moi, et je me acquitterai envers vous ; car jà plein pied ne fuirai tant que je vous voie combattre. » Par ces paroles et plusieurs autres pleines de confort remit le roi Henry trois fois ce jour ses gens ensemble, et il même de sa main se combattit si vaillamment que on le doit bien honorer et recommander entre les preux.


CHAPITRE CCXXXVIII.


Ci dit des vaillans chevaliers qui furent en la bataille du prince, et des paroles que le roi Henry disoit à ses gens.


Moult fut cette bataille grande et périlleuse, et moult y eut de gens morts, navrés, éteints et meshaigniés. Si portoient ces communautés d’Espaigne, à leur usage, fondes dont ils jetoient pierres ; et ce gréva au commencement moult les Anglois ; mais quand ce jet fut passé et ils sentirent ces sajettes, ils ne tinrent puis nul conroy. Si y avoit-il en la bataille du roi Henry grand’foison de bonnes gens d’armes, tant d’Espaigne, d’Arragon, que de Portingal, qui s’acquittèrent loyaument et moult volontiers, et ne se déconfirent mie sitôt, mais se combattirent très vaillamment de lances, de guisarmes[1], d’archegaies, d’épieux et d’épées. Et y avoit encore sur èle, en la bataille du roi Henry, plusieurs géniteurs[2] montés sur chevaux tous armés, qui tenoient leurs batailles en vertu ; car quand elles branloient ou se vouloient ouvrir par un côté, ces géniteurs qui étoient sur èle les reboutoient avant et les resvigouroient. Si n’eurent mie les Anglois et les Gascons la journée d’avantage, mais le comparèrent et achetèrent moult grandement par bonne chevalerie et par grand’prouesse et vaillance d’armes. Là, à voir dire, avec le prince étoit toute la fîeur de la chevalerie du monde et les meilleurs combattans.

Un petit en sus de la bataille du prince étoit le roi James de Maiogres et sa route, qui se combattoient vaillamment et s’acquittoient à leur loyal pouvoir. D’autre part étoit messire Martin de la Kare qui représentoit le roi de Navarre, et qui aussi en faisoit bien son devoir. Je ne puis mie de tous les bons parler ; mais de-lez le prince et en sa bataille avoit plusieurs bons chevaliers tant d’Angleterre que de Gascogne, tels que monseigneur Richard de Pont-Chardon, messire Thomas le Despenser, messire Thomas de Holland, messire Neel Lornich, messire Hue et Philippe de Courtenay et messire Jean Trivet, messire Nicolas Bond, messire Thomas Trivet et plusieurs autres, tels que le sénéchal de Saintonge, messire Baudoin de Franville, le séné-

  1. Pique armée d’une hache.
  2. Chevaliers armés à la légère.