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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

guerre. À l’opinion du comte de Saint-Pol étoient descendans plusieurs prélats, comtes, barons et chevaliers du royaume de France ; et disoient bien au roi que le roi d’Angleterre ni le prince de Galles n’avoient en rien tenu la paix, ni ce qu’ils avoient juré et scellé, selon la teneur des traités, qui furent faits à Bretigny de-lez Chartres et depuis confirmés à Calais ; car les Anglois avoient toujours couvertement et soutivement guerroyé le royaume de France, plus depuis la paix faite que en devant. « Et tout ce que nous vous disons et montrons, vous le trouverez en vérité, si vous faites lire les chartres de la paix, et en quoi le roi d’Angleterre et son ains-né fils le prince de Galles se soumirent par foi et par serment. »

Adonc le roi de France, pour lui mieux informer de vérité et contenter ses gens, et garder les droitures de son royaume, fit mettre avant et apporter en la chambre du conseil, toutes les chartres de la paix, et là les fit lire par plusieurs jours et à grand loisir pour mieux examiner les points et les articles qui dedans étoient[1]. Si en furent vues et lues, ce terme pendant, plusieurs, pour mieux avenir au fond de leur matière ; et entre les autres y en y eut une des soumissions où le roi et son conseil s’arrêtèrent le plus, pourtant qu’elle parloit pleinement et clairement de ce dont il vouloit ouïr parler.


CHAPITRE CCLVII.


Ci s’ensuit la forme de la lettre sur laquelle le roi de France plus se fonda de faire guerre au roi d’Angleterre et au prince de Galles.


Édouard, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Sachent tous : que en l’accord et paix finale faite entre notre très cher frère le roi de France sont contenus deux articles contenant la forme qui s’ensuit. Item ; que les dessus dits seront tenus de faire confirmer toutes les choses dessus dites par notre saint père le pape, et seront vallées par serment, sentences, et censures de cour de Rome, et tous autres liens, en la plus forte manière que faire se pourra, et seront impétrées dispensations et absolutions et lettres de la dite cour de Rome touchant la perfection et accomplissement de ce présent traité ; et seront baillées aux parties au plus tard dedans trois semaines après ce que le roi de France sera arrivé à Calais.

Item ; afin que les choses dessus dites traitées et parlées soient plus fermes et stables et valables, seront faites et données les fermetés qui s’ensuivent ; c’est à savoir, lettres scellées des sceaux des rois et des ains-nés fils d’eux, les meilleures qui pourront être faites et ordonnées par le conseil des dits rois : et jureront les dits rois et leurs ains-nés fils et autres enfans, et aussi les autres des lignages des dits seigneurs et autres grands des royaumes, jusques au nombre de vingt, de chacune partie, qu’ils tiendront et aideront à tenir, pour tant comme à chacun d’eux touche, les dites choses traitées et accordées, et accompliront sans jamais venir au contraire, sans fraude et sans mal engin, et sans faire nul empêchement ; et si il avoit aucun du royaume de France ou du royaume d’Angleterre qui fussent rebelles, ou ne voulussent accorder les choses dessus dites, les deux rois ensemble feront tout leur pouvoir de corps, de biens et d’amis, de mettre les dits rebelles en obéissance, selon la forme et teneur du dit traité. Et avec ce se soumettront les deux rois et leurs hoirs et royaumes à la cohercion de notre saint père le pape, afin qu’il puisse contraindre par sentences, censures d’église et autres voies dues, celui qui sera rebelle, selon ce qu’il sera de raison. Et parmi les fermetés et sûretés dessus dites, renonceront les deux rois, pour eux et leurs hoirs, par foi et serment, à toutes guerres et procès de fait. Et si par désobéissance, rébellion ou puissance d’aucuns sujets du royaume de France, le roi de France ou ses hoirs ne pouvoient accomplir toutes les choses dessus dites, le roi d’Angleterre, ses hoirs, ni son royaume, ou aucuns pour eux, ne feront ou devront faire guerre contre le roi de France, ses hoirs, ni son royaume ; mais tous ensemble s’efforceront de mettre les dits rebelles en obéissance, et d’accomplir les choses dessus dites. Et aussi si aucuns du royaume et obéissans du roi d’Angleterre ne vouloient rendre les châteaux, villes ou forteresses qu’ils tiennent au royaume de France, et obéir au traité dessus dit, ou par juste cause ne pourrait accomplir ce qu’il doit faire par ce présent traité, le roi de France ni ses hoirs ou

  1. Charles V, qui était effrayé des conséquences d’une guerre avec l’Angleterre, semble n’avoir rien omis pour persuader que la raison était de son côté.