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LIVRE I. — PARTIE II.

de France en sa compagnie, pour venir de rechef devant la cité d’Usson, en Auvergne, et l’assiégèrent ; et firent là le duc de Berry, le duc de Bourbon et le connétable, amener et charrier grands engins de Rion et de Clermont, et dresser devant la dite forteresse, et avec tout ce appareiller grands atournemens d’assauts.


CHAPITRE CCCXXXIV.


Comment ceux de la cité d’Usson se rendirent à messire Bertran, et comment messire Robert Canolle fut mal du roi d’Angleterre, et comment sa paix fut faite.


Quand les Anglois, qui s’étoient tenus en la cité d’Usson vaillamment, virent la manière et ordonnance du connétable et des François, et ils entendirent que messire Thomas de Veulkefaire étoit parti de ses forteresses de Rouergue, et que confort ne leur apparoit de nul côté, si se commencèrent à conseiller et aviser qu’ils se rendroient par traité et non autrement. Si traitèrent devers le connétable si bellement et si sagement, qu’ils se partirent sans danger et sans blâme, et emportèrent tout le leur, ce que porter pouvoient devant eux, et avecques ce on les devoit envoyer jusques à Sainte-Sévère[1], en Limosin. Cette ordonnance fut tenue : les Anglois s’en partirent et rendirent tout ce qu’ils tenoient d’Usson, cité et châtel, et furent menés sans péril jusques à la garnison dessus dite. Ainsi acquit le dit messire Bertran en ce voyage grand’foison de pays que les Anglois avoient tenus ; et se tourna François, dont il acquit grand’grâce, et puis retourna en France[2].

Vous avez ci-dessus ouï parler de la chevauchée monseigneur Robert Canolle, qu’il fit en France, et comment il retourna en son pays de Derval, en Bretagne. Et est bien vérité que aucuns Anglois à leur retour parlèrent grandement contre son honneur en Angleterre, et tant que le roi et son conseil furent informés contre lui et mal contents[3]. Mais quand ledit messire Robert le sçut, il se envoya excuser par deux de ses écuyers d’honneur, tellement que le roi et son conseil se tinrent pour mal informés en devant du dit monseigneur Robert, et de lui bien se contentèrent, parmi ce que messire Alain de Bouqueselle et aucuns autres chevaliers bien aimés et prochains du roi l’en aidèrent à excuser. Et en fut trouvé en son tort, tant qu’il le compara chèrement, monseigneur Jean Mestreourde ; car il en fut pris et justicié publiquement en la cité de Londres[4]. Par celle justice fut loué et excusé de toutes paroles maldites le dit monseigneur Robert, et demeura en la grâce du roi et du prince.


CHAPITRE CCCXXXV.


Comment le comte de Herefort déconfit en Bretagne sur mer plusieurs Flamands qui envahi l’avoient.


Le roi d’Angleterre, qui se véoit harié et guerroyé des François malement, acquéroit amis ce qu’il pouvoit par deçà la mer ; et avoit pour lui le duc de Guerle, son neveu, et le duc de Juliers ; et devoient mettre en celle saison sus une grand’quantité de gens d’armes, et bien étoit en leur puissance, pour entrer en France. Et de ce et d’eux se doutoit bien le roi de France.

En ce temps envoyoit le roi d’Angleterre le comte de Herefort et les chevaliers de son hôtel moult ordonnément en Bretagne, pour parler au duc sur certaines ordonnances qui devoient être entre lui et le duc[5], et pour lors n’étoient point amis les Anglois et les Flamands, et s’étoient celle saison hardoiés et envahis sur mer, et tant que les Flamands avoient perdu, dont il leur déplaisoit. Si se trouvèrent d’aventure devant un havèle en Bretagne que on dit à la Bay[6] ces Anglois et ces Flamands. Si étoit patron de la navire des Flamands Jean Pietresone, et des Anglois messire Guy de Brianne. Si très tôt comme ils se furent trouvés, ils férirent ensemble et assemblèrent de leurs vaisseaux : et là eut grand’bataille et dure malement. Et étoient là des chevaliers du dit roi avec le comte de Hereford, messire Richard Slury, messire Thomas de Wisk et des autres. Si se combattirent ces chevaliers et leurs gens moult âprement à ces Flamands et

  1. Bourg du Berry, sur les confins de la Marche, à trois ou quatre lieues de La Châtre.
  2. Le connétable était de retour à Pontorson dès le 1er  mai.
  3. Jean de Menstenvorth fut son principal accusateur.
  4. Walsingham dit que Menstervorth, voyant ses calomnies découvertes s’enfuit en France, et trahit sa patrie et son souverain.
  5. On trouve dans Rymer des pouvoirs de traiter avec le duc de Bretagne adressés à Robert de Nevill, chevalier, et à Raullin Barry, écuyer de sa chambre, et datés, l’un du 1er , l’autre du 4 novembre de cette année.
  6. On ne sait de quelle baie il s’agit ici.