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LIVRE II.

court, le seigneur de Châtillon et le seigneur de Fère. Item devoit porter l’oriflambe, messire Piètre de Villiers, et devoit être accompagné de quatre chevaliers, lesquels sont ainsi nommés, messire Morice de Tréseguidy, du Baudrain de la Heuze, messire Robert le Baveux et messire Guy de Saucourt ; et pour garder les deux bannières, le Borgne de Ruet et le Borgne de Mondoucet. Et est à savoir que iceux seigneurs, qui ordonnoient ces besognes, entendoient et du tout s’arrêtoient que jamais en France ne retourneroient jusques à tant qu’ils auroient combattu ce Philippe d’Artevelle et sa puissance. Et pour ce s’ordonnèrent-ils par telle manière ainsi que pour tantôt combattre ou au lendemain. Item étoient ordonnés le sire de la Breth, le sire de Coucy et messire Hugues de Châlons pour mettre en arroy, en paix et en bonne ordonnance, les batailles. Item étoient ordonnés maréchaux, pour loger le roi et sa bataille, messire Guillaume O. Mamines, et le seigneur de Champ-Remy. Item étoit ordonné que au jour qu’on combattroit, le roi seroit à cheval et nul autre fors lui ; et étoient nommés huit vaillans hommes à être de côté lui, comme le seigneur de Raineval, le Bègue de Villaines, messire Aimemon de Pommiers, messire Enguerran d’Eudin, le vicomte d’Ascy, messire Guy le Baveux, messire Nicolas Painel et messire Guillaume des Bordes. Item étoient ordonnés pour chevaucher devant lui et aviser le convenant des ennemis au jour de la bataille, messire Olivier de Cliçon, connétable de France, messire Jean de Vienne, amiral de France, et messire Guillaume de Poitiers, bâtard de Langres.

Quand toutes ces choses devant dites furent devisées et ordonnées bien et à point et que on n’y sçut mais rien aviser qui nécessaire fût, le conseil s’ouvrit et se partit, et s’en alla chacun en son logis ; et furent les seigneurs et les barons, qui point n’avoient été présens à ces choses devisées et ordonnées, signifiés de ce qu’ils devoient faire, et de ce jour en avant comment ils se maintiendroient. Et fut ce jour ordonné que le roi à lendemain se délogeroit de Seclin et passeroit tout parmi la ville de Lille sans arrêter, et viendroit loger à Marquette l’abbaye ; et l’avant-garde iroit outre vers Comines et Warneston, et exploiteroient au mieux qu’ils pourroient.


CHAPITRE CLXXIX.


Comment le connétable de France atout l’avant-garde vint devant le pont de Comines où il fut moult en souci.


Tout ainsi comme il fut ordonné il fut fait ; et se délogèrent à lendemain ceux de l’avant-garde et passèrent outre par ordonnance vers Comines, et trouvoient les chemins tout faits, car le sire de Rambures et messire Josse de Hallewyn y avoient grandement ensoigné et entendu : ce fut le lundi. Quand le connétable et les maréchaux de France, et ceux de l’avant-garde furent venus au pont à Comines, là les convint arrêter ; car ils trouvèrent le pont si défait qu’il n’étoit mie en puissance de homme du refaire, au cas que on leur défendroit et que on y mettroit empêchement au vouloir refaire. Et les Flamands étoient bien si puissans, par outre la rivière, que du défendre et garder le pas et tenir contre tout homme qui escarmoucher et assaillir les voudroit par devant ; car ils étoient plus de neuf mille, que au pas du pont, que en la ville de Comines. Et là étoit Piètre du Bois leur capitaine qui montroit bien volonté du défendre ; et étoit le dit Piètre du Bois au pied du pont sur la chaussée et tenoit une hache en sa main ; et là étoient les Flamands tout rangés d’une part et d’autre. Le connétable de France et les seigneurs qui là étoient regardoient la manière de ce pas, et imaginoient bien que c’étoit chose impossible de passer par-là, si le pont n’étoit refait. Adonc firent-ils chevaucher de leurs varlets pour aviser la rivière dessous et dessus, pour savoir si on y trouveroit nuls guets. Quand ces varlets orent chevauché au long de la rivière, dessous et dessus près d’une lieue, ils retournèrent à leurs seigneurs qui les attendoient au pas, et leur dirent que ils n’avoient trouvé nuls lieux où chevaux pussent prendre terre, dont fut le connétable moult courroucé, et dit : « Nous avons été mal conseillés de prendre ce chemin ; mieux nous vaulsist être allés par Saint-Omer que ci séjourner en ce danger ; ou avoir passé l’Escaut à Tournay, ainsi que le sire de Coucy disoit, et allés tout droit devant Audenarde combattre nos ennemis, puisque combattre les devons, et voulons : ils sont bien si orgueilleux que ils nous eussent attendus à leur siége. » Adonc dit messire Louis de Sancerre : « Connétable, je conseille que nous nous logeons ci pour ce jour,