Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/632

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
626
[1387]
CHRONIQUES DE J. FROISSART.

chard Stury et autres. Si dit à l’archevêque qu’il s’en viendroit volontiers à Londres, avec lui.

De celle réponse fut l’archevêque tout réjoui : et lui fut haute honneur, quand si bien avoit exploité. Depuis, ne demoura pas longs jours que le roi d’Angleterre se départit de la ville de Bristo, et laissa là la roine : et se mit au chemin, et son arroi, à venir vers Londres, l’archevêque de Cantorbie en sa compagnie : et exploitèrent tant par leurs journées, qu’ils vinrent à Windesore. Là s’arrêta le roi : et s’y rafreschit trois jours entiers.

Nouvelles étoient venues à Londres que le roi venoit ; et l’amenoit, tant avoit-il bien exploité ! l’archevêque de Cantorbie. Toutes gens en furent réjouis : et fut ordonné d’aller à l’encontre de lui aussi honorablement et grandement que donc maintenant il vint à terre. Le jour que il se départit de Windesore pour venir à Westmoustier, le chemin étoit, de Londres jusques à Branforde, tout couvert de gens, à pied et à cheval, qui alloient devers le roi. Et ses deux oncles, le duc d’Yorch, et le duc de Glocestre et Jean le fils au duc d’Yorch, le comte d’Arondel, le Comte de Salbery, et le comte de Northonbrelande, et plusieurs autres barons et chevaliers, et prélats, partirent de Londres en grand arroy et se mirent sur les champs : et encontrèrent le roi et l’archevêque de Cantorbie à deux lieues de Branforde. Si le recueillirent moult doucement, ainsi qu’on doit faire son seigneur. Le roi, qui avoit encore l’ennui au cœur, les reçut en passant ; petit s’arrêta : et ne fit contenance sur eux ; et passa outre ; et le plus, sur le chemin, à qui il parla, ce fut à l’évêque de Londres.

Tant exploitèrent-ils, qu’ils vinrent à Westmoustier. Si descendit le roi au palais qui étoit ordonné et arroyé pour lui. Là burent et prirent épices, le roi, ses oncles, les prélats, les barons et les chevaliers, ainsi que l’ordonnance le portoit. Et puis prirent congé les aucuns, ceux qui devoient retourner à Londres ; et y revint le maire. Les oncles du roi et l’archevêque de Cantorbie, avecques tout le conseil, demourèrent là avecques le roi, les uns au palais et les autres en la ville et à l’abbaye de Westmoustier, pour tenir compagnie au roi, et pour être mieux ensemble, et pour parler de leurs besognes ; car jà avoient-ils regardé quelles choses ils feroient.

CHAPITRE LXXXI.

Comment, de par le roi et ses oncles, et par les seigneurs du conseil d’Angleterre, furent mandés ducs, comtes, prélats, barons, chevaliers et écuyers d’Angleterre, pour être au conseil général qui devoit être à Westmoustier, et illec relever leurs hommages au palais du roi.


Un parlement général fût ordonné à être à Westmoustier : et y furent escripts et mandés tous prélats, comtes, barons, chevaliers et le conseil des cités et bonnes villes d’Angleterre, et tous les fiéfés, qui tenoient du roi, eussent relevé ou à relever, et vous dirai pourquoi. L’archevêque de Cantorbie avoit ainsi dit et remontré en conseil, aux oncles du roi et à ceux qui députés et ordonnés y étoient pour le conseil, que, quand on couronna le roi Richard d’Angleterre leur seigneur, et on lui fit serment, et cils relevèrent de lui qui à relever y avoient, et il reçut les fois et les hommages de ses gens, pour ces jours il étoit dessous son âge ; car un roi, par droit, avant qu’il doie venir à terre ni possession, ni gouverner royaume, doit avoir vingt et un an : et doit être jusques en cet âge au gouvernement de ses oncles, si il les a, ou plus prochains, ou de ses hommes. Pourquoi l’archevêque de Cantorbie avoit dit ainsi, que ores-primes étoit le roi fourni d’âge et de sens, et étoit venu le terme accompli, qu’il avoit vingt et un an d’âge. Pour quoi il conseilloit, pour le plus sûr, que tous renouvelassent leur relief et serment de lui, et que tous ceux de son royaume, qui de lui tenoient, le reconnussent à seigneur.

Ce conseil et avis de l’archevêque avoit été accepté des oncles du roi, et de ceux du conseil du palais : et sur tel état étoient mandés tous les comtes barons, prélats et chevaliers, et chefs et regards des cités et bonnes villes d’Angleterre, à être à Londres, à un jour qui assigné y fut. Tous y vinrent, et nul n’y désobéit. Et y eut moult de peuple, je vous dis, à Londres et au palais à Westmoustier ; et fut le roi Richard en la chapelle du palais qui est moult belle et moult riche et moult noble, royaument en état royal, la couronne au chef ; et fit ce jour le divin office l’archevêque de Cantorbie, et disoit la messe, qui fut moult solemnelle ; et prêcha l’archevêque qui la messe dite avoit ; si fut moult volontiers ouï, car bien sçut faire la prédication.

Après la messe, en cause d’hommage, les oncles du roi baisèrent le roi comme ses tenans