de Bigorre, et, de l’hôtel du comte de Foix, messire Pierre de Cabestain, chevalier.
En ce temps, et environ l’an renouvelant, y eut à Bordeaux sur Gironde un appertise d’armes, devant le duc de Lancastre, de cinq Anglois de l’hôtel du duc et de cinq François ; dont les aucuns étoient de l’hôtel du maréchal de France. Premièrement messire Petiton de Pellagaie, Gascon-Anglois, encontre messire Morice Mauvinet, François ; secondement, de messire Raymon d’Arragon, Anglois, contre le bâtard de Tanneguy, François ; tiercement, de Louis de Malepue, capitaine d’Aiguemortes, François, contre Janequin Corne-de-Cerf ; quartement, d’Archambaut de Villiers, François, contre le fils du seigneur de Caumont, Gascon-Anglois ; quintement, de Guillaume Foucaut, François, contre le frère du seigneur de Caumont Gascon-Anglois. Et vous dis que, pour voir ces armes faire, plusieurs chevaliers et écuyers de Béarn, et de l’hôtel du comte de Foix, se mirent au chemin ; et je me mis en leur compagnie deux bonnes journées ; car d’Ortais jusques à Bordeaux, il n’y a que vingt et quatre lieues ; et vîmes les armes faire, qui furent faites à Bordeaux, en la place devant Saint-Andrieu, présens le duc de Lancastre, la duchesse et leur fille, et les dames et demoiselles du pays, dont il y en avoit grand’foison. Non que ils fesissent armes tous ensemble, mais chacun contre son pareil et à part lui. Si étoient les armes de trois coups de glaive, de trois coups d’épée, et de trois coups de haches, et de trois coups de dague, et tous à cheval. Et y mirent trois jours ; et les firent bien et à point et arréement ; et n’y eut nul des dix blessés, mais messire Raymon d’Arragon occit le cheval du bâtard de Tanneguy, dont le duc de Lancastre fut moult courroucé, et en blâma le chevalier, pourtant qu’il avoit porté sa lance trop bas, et en fit tantôt rendre un des siens au dit chevalier. Ainsi se portèrent ces armes, et puis se départirent toutes gens, et se mirent au retour, chacun s’en r’alla en son lieu.
CHAPITRE CXXXVI.
Assez tôt après s’ordonna la duchesse de Lancastre, pour aller en Castille, et pour y mener sa fille qui devoit avoir, par mariage, le fils du roi de Castille. Si avoient le duc de Lancastre et la duchesse tout cel hiver trop fort entendu à ordonner leur besogne grandement et étoffément pour leur honneur, tant que pour leurs corps que pour leurs dames et damoiselles ; et étoit l’intention de la duchesse, qu’à son entrée et venue en Castille, elle iroit tout premièrement à Montiel, où la bataille fut jadis du roi Piètre, son père, à l’encontre du roi Henry de Castille, et de messire Bertrand du Clayaquin ; et feroit juste enquête là où le corps son père pour ces jours fut enseveli ; et là feroit les os, et ce qu’on y trouveroit, défouir et porter en la cité de Séville : et là de rechef ensevelir richement et puissamment, ainsi comme à roi appartenoit.
Quand ce vint à l’entrée du mois de mars[1] que le soleil commence à monter, et les jours à alonger, et le beau temps à venir, la duchesse de Lancastre eut son arroy tout prêt pour elle et pour sa fille ; si se départirent de Bordeaux, et vinrent à Bayonne : et là prit congé à elle le duc de Lancastre qui s’en retourna à Bordeaux, et les dames se mirent à chemin devers la cité de Dax ; et tant exploitèrent, qu’elles vinrent là : et y furent reçues moult grandement, car la cité, de Dax est en obéissance au roi d’Angleterre. Si furent là, et y reposèrent deux jours : et puis passèrent parmi la terre des Bascles, et le pas de Roncevaux, et entrèrent en Navarre, et vinrent en Pampelune ; et trouvèrent le roi de Navarre et la roine, qui les recueillit, grandement et honorablement, car la roine de Navarre pour ce temps étoit sœur au roi de Castille[2].
La duchesse de Lancastre et sa fille mirent, à passer le royaume de Navarre, plus d’un mois, car elles séjournèrent par plusieurs fois avecques le roi et la roine : et tout partout, pour