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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

d’Artevelle qu’il envoieroient douze bourgois des six milleurs villes de Flandres devers le roy d’Engleterre escuser de ceste besongne de Gagant ; et plus avant, s’il plaist le roy ariver en Flandres, il luy présenteront et ouvreront le pays pour passer, séjourner et prendre vivres, parmy paiant. Ces douze bourgois partirent bien infourmé, et vinrent en Engleterre. Si trouvèrent le roy à Eltem, lequel les rechupt assez honnourablement, car il pensoit bien qu’il vauroit mieulx de leur venue. Et contèrent au roy comment Jaques d’Artevelle et les plus espéciaux consaulx de Flandres se recommandoient à luy ; et se escusoient de le besongne et armée de Gagant ; que oncques ne s’i consentirent, ne ne fu ly accors des bonnes villes de Flandres, mais le fait du conte et du roy seullement. Que vous feroie-je long conte ? Si sagement parlèrent et remonstrèrent leurs besongnes, que ly roy leur dist : que dedens le jour du Noël prochain il seroit en Ampvers ; et là il admonestassent le conte, s’il pooient, pour savoir quel chose il voloit faire ; et se le conte n’i voloit estre, pour ce ne demourast qu’il n’y fussent ; et fussent ses bons amis, et il le seroit à eulx. Et parmy tant ils firent trieuvves entre eulx jusques au premier jour de jenvier. Ainsi furent d’acord et s’en partirent. Si raportèrent ces nouvelles par devers Jaques d’Artevelle et l’autre conseil de Flandres. Si en furent moult joieux, en espérant de venir à leur intention des marchandises. Le roy d’Engleterre ordonna de ses affaires, car moult désiroit d’aler oultre. Si s’apareilla luy et la roynne toute enchainte, messire Robert d’Artois, le conte Derby, le conte de Warvich, le conte de Panebroch, le conte de Zun-Folc, le conte d’Arondel, le conte de Kent, l’évesque de Nicolle, l’évesque de Durem, messire Renault de Gobehem, messire Rchart de Stanfort, messire Gautier de Maugny et plenté d’aultre noble chevalerie. Tous montèrent et eurent vent à souhait. S’arivèrent au havre d’Ampvers environ le Saint-Obert et Sainte-Luce. Et quant il fu là descendus, si le vinrent véoir gens et seigneurs de moult de lieux, et fu rechus moult grandement, et par espécial de ceulx qui tendoient à mieulx valoir de sa venue. Et en tant qu’il y séjourna, la roynne s’acoucha d’un bel fil qui en a nom Lyon, de là quel jésine à sa relevée eut moult grant feste. Si y fu le conte de Haynnau, frère à la roynne, messire Jehan de Haynnau son oncle que le roy amoit moult, et grant plenté de la chevalerie de Haynnau qui moult désiroient de véoir la roynne.

CHAPITRE CXXIX.

Entre ces choses, traita Jaquemon d’Artevelle devers le conte de Flandres, qu’il se volsist adviser, et aler avec son pays et le plus espécial conseil devers le roy d’Engleterre, et fesist tant qu’il fust bon amy à luy ; mais oncques le conte ne s’i volt accorder. Mais disoit que jà ne s’i alieroit pour faire guerre au roy de France son cousin, qui l’avoit remis en son pays. S’eut doubte que on ne lui fesist aler de force. Si se party de nuyt du pays de Flandres, et emmena la contesse Margaritte sa femme ; et s’en alèrent à Paris dalez le roy qui leur fist moult grant feste, et leur asséna leur ils prenderoient finances pour leur estat maintenir.

CHAPITRE CXXX.

Quant les Flamens virent que leur sire estoit ainsi partis de Flandres, ils prinrent conseil ensamble comment il se maintenroient. Et eurent accort, parmy le conseil Artevelle qui estoit plus favourable au roy d’Engleterre qu’à celui de France, qu’ils s’en yroient, bien accompaigniés des plus souffissans bourgois de Flandres, devers Ampvers, à savoir l’intention du roy ; et se montreroit le dit Artevelle lui soixantième des plus souffissans bourgois de Flandres. Moult liement furent rechus ; et tant eurent de traitié et de parolles ensamble que le roy leur rendy l’estaple des laines et les marchandises venans de son pays, qu’ils avoient jà perdues par trois ans, parmi tant qu’il pooit, lui et les siens, aler et venir en Flandres, armé ou ainsi qu’il lui plaisoit. Et de ce furent faites lettres. Encore requist le roy aux Flamens que avec luy volsissent guerroier le royalme et aler en Tournesis et en la chastellerie de Douay et de Lille pour ardoir. Mais les Flamens s’excusèrent adont, en disant qu’ils estoient si fort obligiés devers le roy de France, qu’il ne le pooient guerroier qu’ils ne fussent attains à une grande somme de florins, si grande que à paines en poroit tout le pays finer ; et lui prièrent que pour ceste fois s’en volsist déporter, jusques à une aultre fois qu’ils poroient avoir mieulx cause. Et le roy s’en tint content et leur