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BIOGRAPHIE

Mais je, auteur de celle histoire, qui pour ce temps séjournois à Abbeville pour ouïr et savoir des nouvelles, ne pus pour lors savoir la vérité comme la paix étoit emprise.

(T. iii, p. 190.)


1394. — Séjour de sire Jean Froissart en Angleterre.

Car le dit duc de Glocestre me conta depuis toutes ces paroles (de Robert l’Hermite en 1392) en son hôtel à Plesby.

(T. iii, p. 190.)


Le roi d’Angleterre lui donna grands dons, si comme le dit héraut, nommé le roi Marcke, me dit depuis à grand loisir, chevauchant avecques lui au royaume d’Angleterre.

(T. iii, p. 191.)


Vérité fut et est que je, sire Jean Froissart, pour ce temps trésorier et chanoine de Chimai, séant en la comté de Hainaut et de la diocèse de Liége, ens très grand’affection et imagination d’aller voir le royaume d’Angleterre, quand je, qui avois été à Abbeville, vis que les trêves étoient prises entre le royaume de France et le royaume d’Angleterre, leurs conjoins et adhérens, à durer quatre ans par mer et par terre ; et plusieurs raisons m’émouvoient à faire ce voyage. La première étoit, pour ce que de ma jeunesse j’avois été nourri en la cour et hôtel du noble roi Édouard, de bonne mémoire, et de la noble roine Philippe sa femme, et entre leurs enfans et les barons d’Angleterre, qui pour ce temps vivoient et y demeuroient ; car toute honneur, amour, largesse et courtoisie j’avois vu et trouvé en eux. Si désirois à voir le pays ; et me sembloit en mon imagination que, si vu l’avois, j’en vivrois plus longuement ; car vingt sept ans tous accomplis je m’étois tenu de y aller ; et si je n’y trouvois les seigneurs, lesquels a mon département j’avois vus et laissés, je y verrois leurs hoirs, et ce me feroit trop grand bien ; aussi pour justifier les histoires et les matières dont j’avois tant escript d’eux. Et en parlai à mes chers seigneurs qui pour le temps régnoient, monseigneur le duc Aubert de Bavière, comte de Hainaut, de Hollande, de Zélande et sire de Frise, et à monseigneur Guillaume son fils, pour ces jours comte d’Ostrevant, et à ma très chère et honorée dame Jeanne, la duchesse de Brabant et de Luxembourg, et à mon très cher et grand seigneur, monseigneur Enguerrand, sire de Coucy, et aussi à ce gentil seigneur le chevalier de Gommignies, lequel, de sa jeunesse et de la mienne, nous étions vus en Angleterre en l’hôtel du roi et de la roine ; et aussi avoit fait le sire de Coucy et tous les nobles de France, qui à Londres tenoient ôtagerie pour la rédemption qui faite avoît été du roi Jean de France, si comme il est contenu en notre histoire et en ce livre bien derrière.

Ces trois seigneurs dessus nommés auxquels j’en parlai, et le sire de Gommignies et madame de Brabant, le me conseillèrent ; et me donnèrent toutes lettres adressans au roi et à ses oncles, réservé le sire de Coucy, car, pour ce qu’il étoit François, il n’y osa escripre, fors tant seulement à sa fille que pour lors on appeloit la duchesse d’Irlande, Et avois, de pourvéance, fait escripre, grosser et enluminer et recueillir tous les traités amoureux et de moralité, que au terme de trente quatre ans je avois, par la grâce de Dieu et d’amour, faits et compilés ; laquelle chose réveilloit grandement mon désir pour aller en Angleterre et voir le roi Richard d’Angleterre, qui fils avoit été au noble et puissant prince de Galles et d’Aquitaine, car vu ne l’avois depuis qu’il fut tenu sur les fonts en l’église cathédrale de la cité de Bordeaux, car pour ces jours je y étois ; et avois intention d’aller au voyage d’Espaigne avecques le prince de Galles et les seigneurs qui au voyage furent ; mais quand nous fûmes en la cité de Dax, le prince me renvoya arrière en Angleterre devers madame sa mère. Si désirois ce roi Richard à voir, et messeigneurs ses oncles ; et étois pourvu d’un très beau livre et bien aourné, couvert de velours, garni et doux d’argent doré d’or, pour faire présent et entrée au roi. Et selon l’imagination que j’eus, j’en pris légèrement la peine et le travail, car qui volontiers fait et entreprend une chose, il semble qu’elle ne lui coûte rien. Et me pourvéis de chevaux et d’ordonnance, et passai la mer à Calais, et vins à Douvres le douzième jour du mois de juillet ; et quand je fus venu à Douvres, je n’y trouvai homme de ma connoissance du temps que j’avois fréquenté en Angleterre ; et étoient les hôtels tous renouvelés de nouvel peuple, et les jeunes enfans devenus hommes et femmes, qui point ne me connoissoient, ni moi eux.