Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
[1389]
CHRONIQUES DE J. FROISSART.

cette histoire, fus issu de l’hôtel le noble Gaston de Foix, et retourné en Auvergne et en France, en la compagnie et route du gentil seigneur de la Rivière et de messire Guillaume de la Trémoille lesquels avoient amené la duchesse de Berry, madame Jeanne de Boulogne, de-lez le duc Jean de Berry son mari qui épousée l’avoit en la ville de Riom en Auvergne, si comme il est contenu ci-dessus en notre histoire, car à toutes ces choses je fus, si en puis bien parler, et je fus venu à Paris, je trouvai le gentil seigneur de Coucy, un de mes seigneurs et maîtres, qui nouvellement s’étoit marié à une jeune dame, fille au seigneur et duc de Lorraine ; lequel sire de Coucy me fit très bonne chère et me demanda des nouvelles de Foix, de Béerne, et du pape Clément d’Avignon, et de ce mariage de Berry et de Boulogne, et de un sien grand ami, un mien seigneur et maître aussi, le comte Béraud, Dauphin d’Auvergne. À toutes ses demandes je répondis de ce que je savois et que j’avois vu, et tant qu’il m’en sçut gré et me dit : « Vous en viendrez avecques moi. Je m’en vais en Cambrésis en un châtel que le roi m’a donné, que on appelle Crevecœur. C’est à deux lieues de Cambray et à neuf lieues de Valenciennes. » — « Monseigneur, lui dis-je, vous dites vérité. » Je me mis en sa route et compagnie, et sur le chemin il me dit que l’évêque de Bayeux, le comte de Saint-Pol, messire Guillaume de Melun et messire Jean le Mercier étoient à Boulogne envoyés de par le roi de France et son conseil. Et d’autre part se tenoient à Calais, de par le roi Richard d’Angleterre, l’évêque de Durem, messire Guillaume de Montagu, le comte de Salsebrin, messire Guillaume de Beauchamp, capitaine de Calais, messire Jean Clanvou, messire Nicole de Grauvorth, chevaliers et chambellans du roi d’Angleterre et Richard Rohale clerc et docteur en lois[1]. « Et se sont là tenus plus d’un mois, les uns à Boulogne les autres à Calais, attendant ambassadeurs du royaume d’Écosse qui pas n’étoient venus n’a pas six jours, car mon cousin de Saint-Pol m’en a écrit ; et a le roi de France envoyé devers le roi d’Escosse et son conseil pourquoi il prît trèves ; car les Anglois ne veulent donner nulles trèves si les Escots ne sont enclos dedans. »

Ainsi chevauchant nous vînmes à Crevecœur ; et là fus de-lez lui trois jours, tant que je fus reposé et rafraîchi, et puis pris congé, et vins à Valenciennes ; et là fus quinze jours ; et puis m’en partis et m’en allai en Hollande voir mon gentil maître et seigneur le comte de Blois ; et le trouvai à Esconehove[2] ; et me fit très bonne chère et me demanda des nouvelles. Je lui en dis assez de celles que je savois. Et fus de-lez lui un mois, que là que à la Gode, et pris congé pour retourner en France et pour savoir la vérité de ce parlement qui se tenoit à Lolinghen des François et des Anglois, et aussi pour être à une très noble fête qui devoit être en la ville de Paris à la première entrée de la roine Isabel de France qui encore n’y avoit point entré. Pour savoir le fond de toutes ces choses, je m’en retournai parmi Brabant, et fis tant que je me trouvai à Paris huit jours avant que la fête se tînt ni fît, tant eus-je de pourvéance des seigneurs de France et d’Escosse qui étoient venus au parlement. Si m’acointai de messire Guillaume de Melun qui m’en dit toute l’ordonnance, et comment le comte de Saint-Pol étoit passé outre en Angleterre pour voir le roi Richard son serourge et pour conserver la trève qui étoit donnée trois ans. « Mais il sera ici, comment que ce soit, à notre fête. »

Je demandai au dit messire Guillaume de Melun quels seigneurs d’Escosse avoient été à ce parlement ; et le demandois pour tant que en ma jeunesse je fus en Escosse et cherchai tout le royaume d’Escosse jusqu’à la sauvage Escosse[3] ; et eus en ce temps que je y fus et demeurai en

  1. Tous les pleins pouvoirs donnés aux ambassadeurs des deux cours sont rapportés en entier, aussi bien que le traité de paix, dans les Fædera de Rymer, aux années 1388 et 1389. On y voit que les plénipotentiaires français étaient : Nichol, évêque de Bayeux, Waleran, comte de Ligny et de Saint-Pol, Raoul, sire de Rayneval, chambellan du roi de France, maître Jean Fanart Vidame de Rennes, maître Ytier de Martrail, archidiacre de Diron, dans l’église de Langres, maître Pierre Fresvel, maître des requêtes, Lancelot de Longvillers, sire d’Angodessant, le sire de Rembures et le sire de Disques. Les plénipotentiaires anglais étoient : l’évêque de Durham, William de Beauchamp, capitaine de Calais, Jean Devereux, sénéchal de l’hôtel du roi d’Angleterre, Jean Clanvowe, Nicolas Daggworth et maître Richard Rowhale, clerc et docteur en lois. William de Montagu, comte de Salisbury, est adjoint à ces fondés de pouvoirs dans un autre acte sur la confirmation des trèves, daté du 14 mai 1389.
  2. Schoenhoven.
  3. C’est-à-dire, le pays montagneux ; en langue anglaise, highlands.