Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/94

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des champs, leurs outils de travail sur le dos. Ils tournèrent la tête au bruit de la voiture, et, comprenant qu’il s’agissait de quelque chose de plus qu’une promenade, ils me firent des signes joyeux pour me souhaiter un heureux voyage. Le soleil se levait. Nous entrâmes en pleine campagne. Je cessai de reconnaître les lieux ; je vis passer de nouveaux visages. Ma tante avait les yeux sur moi et me considérait avec bonté. La physionomie d’Augustin rayonnait. J’éprouvais presque autant d’embarras que j’avais de chagrin.

Il nous fallut une longue journée pour faire les douze lieues qui nous séparaient d’Ormesson, et le soleil était tout près de se coucher, quand Augustin, qui ne quittait pas la portière, dit brusquement à ma tante :

« Madame, voici qu’on aperçoit les tours de Saint-Pierre. »

Le pays était plat, pâle, fade et mouillé. Une ville basse, hérissée de clochers d’église, commençait à se montrer derrière un rideau d’oseraies. Les marécages alternaient avec des prairies, les saules blanchâtres avec les peupliers jaunissants. Une rivière coulait à droite et roulait lourdement des eaux bourbeuses entre des berges souillées de limon. Au bord et parmi des joncs