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L’HOMME À L’HISPANO

Dewalter l’avait vu ; il en gardait la mémoire. Il avait, avec l’avidité de la jeunesse, interrogé le prêtre ; dans la suite, il avait beaucoup lu ; il pouvait décrire la prison du pape. Et, comme ils parlèrent d’un voyage — le voyage que toujours projettent les amants — il dit à Stéphane qu’il l’emmènerait à Rome. Il l’évoqua comme une ville familière. Elle reconnut les sept collines, les eaux jaillissantes, les palais délabrés… Il raconta la chute de cheval qu’il avait faite le long de la voie Appienne. Or, Georges avait servi dans la cavalerie. Il montait bien, très bien. Il avait fait une chute, en effet, mais en Champagne, en service commandé, le long d’une route crayeuse.

Il amalgamait avec ingénuité ce qu’il avait vu à ce qu’il avait souhaité ; la réalité se mélangeait au rêve et il ne savait plus s’y retrouver, quand il parlait. Un éperdu désir de ne pas être pauvre devant sa maîtresse accablée de fortune, une joie de se leurrer lui-même, l’emportait… Elle l’écoutait avec crédulité, dans l’enchantement de la belle jeunesse qu’il lui racontait. Deux heures ils restèrent ainsi. Elle l’interrompait sur un mot qui lui rappelait un souvenir propre. À son tour, elle rappelait une joie d’enfance qu’elle n’avait aucun besoin de transposer. À la fin, ils conclurent que l’aube de leurs vies avait été la même et que, vraiment, ils étaient comblés par le destin. À peine une ironie se glissa-t-elle dans l’esprit de Georges. Son personnage inventé pre-