Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
L’HOMME À L’HISPANO

nait corps, s’installait et commençait à le régir.

Pourtant, une seconde, un instinct lui cria de dire la vérité. Stéphane avait prononcé une parole touchante, exprimant que, tout de même, avant lui, bien des choses lui avaient manqué. Alors il lui sembla derechef qu’un jour — oh ! pas ce soir, — mais un jour, demain peut-être, avant de s’embarquer, il pourrait parler librement. Ils en étaient arrivés aux souvenirs moins lointains, à ceux de la vie récente, aux souvenirs d’hier. Elle avait dit, exactement, avec une ombre :

— Nous avons tout maintenant, Georges. Mais, avant vous, quels déserts en moi. Je vous dirai plus tard ce qui manquait…

Elle avait dit cela, pensant à son mari. Il avait répondu tout de suite, comme un nageur saisit une planche :

— Et moi aussi, je vous dirai.

Mais elle avait eu peur et elle l’avait interrompu. Elle voulait connaître l’enfance, l’âge pur, mais pas autre chose, pas les récits de l’homme. Souriante, elle s’était penchée, mettant son doigt blanc sur les lèvres chéries. Et doucement, avec gravité, le tutoyant pour la première fois :

— Plus de souvenirs, Georges. Je ne demanderai rien. Je sais tout de toi jusqu’à vingt ans, cela me suffit bien. Désormais, tu ne pourrais pas tout me dire, par respect. Alors, je ne te