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L’HOMME À L’HISPANO

rapidement. Un braconnier, quelques années auparavant lui avait sablé la cuisse droite de chevrotines. Aux nouvelles lunes, elles le faisaient souffrir, pour lui rappeler le mauvais coup. Alors, il serrait ses lèvres minces et allait rôder la nuit avec son fusil. Les chercheurs de gibier défendu jugeaient prudent de s’éloigner.

Stéphane, la veille, avait fait prévenir Antoinette de sa visite.

La vieille femme n’avait point dormi. Toute la nuit, elle avait songé aux choses de la maison, à ce qu’il fallait préparer pour faire honneur à lady Oswill et lui donner l’envie de revenir plus souvent. À l’aube, elle avait tué un poulet et deux petits canards sauvages qui lui furent donnés par son mari, Elle parcourut la vaste demeure en criant derrière les servantes. Elle fit ouvrir les volets et Nicolaï, aidé de trois hommes du jardin, cirait les parquets aux dessins en losange. Tandis qu’il s’occupait ainsi et préparait les réceptions, Antoinette, descendue au fourneau, ne pensait plus qu’aux magnificences de la cuisine. Elle avait des truites vivantes du gave voisin, des foies d’oie qu’elle agrémentait d’herbes subtilement parfumées, une variété de légumes du potager et des fruits remplis jusqu’aux noyaux de la richesse de septembre. Comme les Béarnaises, elle croyait qu’un repas pour une personne doit être capable d’en nourrir six. Ainsi, aux joies de la gourmandise, s’ajoute le plaisir du choix. Et, pour