Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/162

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soi-il, que l’hypocrisie ne choque horriblement) ; ils ne se contentoient pas de tesmoigner de l’admiration pour l’esprit de Polymathie, ils faisoient encore aupres d’elle les galands et les passionnez pour sa beauté, et leur impudence alloit jusqu’à ce point qu’ils la traittoient de soleil, de lune et d’aurore, dans les vers et dans les billets qu’ils luy envoyoient. Ceux qui ne l’avoient veuë que dans ce miroir trouble et sous cette fausse peinture ne l’auroient jamais reconnuë : car, en effet, elle ne ressembloit au soleil que par la couleur que luy avoit donnée la jaunisse ; elle ne tenoit de la lune que d’estre un peu maflée, ny de l’aurore que d’avoir le bout du nez rouge. Ô ! que les pauvres lecteurs sont trompez quand ils lisent un poëte de bonne foy, et qu’ils prennent les vers au pied de la lettre ! Ils se forment de belles idées de personnes qui sont chimeriques, ou qui ne resremblent en aucune façon à l’original. Ainsi, quand on trouve dans certains vers :

Je ne suis point, ma guerriere Cassandre,
Ny Mirmidon, ny Dolope soudart,

il n’y a personne qui ne se figure qu’on parle d’une Pantasilée ou d’une Talestris ; cependant, cette guerriere Cassandre n’estoit en effet qu’une grande Hale-


46. Tout le monde a reconnu Ronsard et son amour le plus chante. Ce que dit Furetière n’est pas une médisance. Il est certain que sa Cassandre étoit une fille de basse extraction, qu’elle fut une grisette de Blois, déjà possédée par Saint-Gelais, comme l’ont dit quelques uns, ou bien une servante de taverne, comme il est dit ici. Le poète, d’ailleurs, n’a pas toujours désavoué cette roture de ses amours. Dans une de