Page:Furetiere - Essai d'un dictionnaire - 1684.djvu/11

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AVERTISSEMENT


JE vous prie de croire, Mon cher Lecteur, que quand j’ay conczu le dessein de ce grand Ouvrage dont voicy un petit essay, ce n’a point été pour entreprendre sur le travail de l’Academie Françoise ; je la respecte autant qu’il est possible, & j’ay creu seulement contribuer de ma part au dessein qu’elle a de rendre service au Public. Deux considerations m’y ont obligé, l’une qu’elle n’a pas compris dans son Ouvrage les mots des Arts & des Sciences ; ainsi j’ay creu qu’elle ne trouveroit point mauvais que quelqu’un en fist le Supplément. L’autre, que L’autre, que pour satisfaire l’impatience de plusieurs personnes, il étoit nécessaire de leur donner un Dictionaire qui n’est pour ainsi dire que provisionel, & le précurseur de celui qui viendra en Souverain dans une entiére pureté juger tous les mots vieux & nouveaux, & interposer son autorité pour les faire valoir ; je lui laisse sa juridiction toute entiére, & ne prétens rien décider sur la Langue. Je lui offre cet Ouvrage comme de simples mémoires qui lui pourront servir pour achever la derniére partie de son travail, & pour remplir les omissions de la première.

Cependant j’ay appris que quelques-uns prétendent revendiquer quelques phrases communes, figurées & proverbiales qui ne font ici employées que par nécessité pour servir de passage & de liaison, ou pour arrondir le globe de cette Encyclopedie dela langue que je me suis proposée. Je ne les employe que comme on fait le ciment pour lier les pierres d’un grand édifice, & je prétens n’avoir rien emprunté du Dictionnaire de l’Academie, ni de ce qui lui peut appartenir en propre.

Le seul moyen de faire connoitre cette verité, c’est la conference de ces deux Dictionaires, ou du moins d’un semblable Essay. Le Public en sera le juge, du moins on ne peut pas me reprocher d’en avoir rien pris depuis les lettres O & P qui ne font pas encore faites. L’uniformité qui est en tout mon Ouvrage fera voir clairement que je n’ay pas eu besoin du Dictionaire de l’Academie pour faire les premiéres lettres, puisque sans son fecours j’ay bien fait les derniéres ; celles-ci pourront donner un beau champ pour exercer un droit de represailles, s’il y avoit lieu, puis qu’on y trouvera bien plus à prendre que ce qu’on pourroit prétendre que j’aurois pris. J’espere néanmoins que la seule vûë de ces deux Dictionaires fera paraître tant de différence entre l’un & l’autre, que ceux qui se donneront la peine d’en faire la conference trouveront que celui-ci n’a aucun rapport avec celui de l’Academie.