Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
souvenirs d’une actrice.

M. Demetry Narichkine[1] avait fait garnir mon kibick avec des peaux de loup de Sibérie, dont beaucoup d’honnêtes bourgeois se seraient contentés pour leurs fourrures d’hiver. J’avais des couvertures d’oursin. Le grand veneur m’avait même proposé un joli petit louveteau vivant, pour me tenir les pieds chauds, mais je m’en souciais peu.

Mon kibick était rempli de provisions de toute espèce, mais la plupart gelèrent en route. Par bonheur Ivan, garçon intelligent, savait y suppléer. Je voyageais comme un portemanteau, ne sachant rien, ne comprenant rien. Je dormais dans mon kibick comme dans mon lit, et je n’en sortais que pour manger et marcher un peu, car je me sentais engourdie. Enfin ce fut vers le soir que j’entrai dans cette ville, où il devait m’arriver tant de choses extraordinaires, et que j’étais loin de prévoir !… Je descendis chez M. Lekain, Français qui logeait toutes les personnes du théâtre impérial, à leur arrivée. M. Lekain avait la prétention de descendre en droite

  1. Grand-veneur, frère du grand-chambellan Alexandre Narichkine, qui dirigeait les théâtres impériaux.