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souvenirs d’une actrice.

le mien un diable qui s’enfuyait par la croisée, emportant la figure de son ami Garenghi, architecte de la cour, qu’il avait placée sur une partie du corps que le diable et l’amour ont seuls le droit de montrer à nu. Il avait fait aussi mon cœur à compartiments, partagé par la moitié. Dans la première, chaque case portait le nom d’un de mes amis, et l’autre moitié était pour le comte Théodore Golofkine, qu’il savait que j’aimais beaucoup, et Tonchi en petites lettres imperceptibles.

J’avais la prétention de donner à souper à ma société, quoique mon ménage fût assez mal monté. Je plaçais les dames autour d’une table ronde et les hommes où ils pouvaient : sur un coin de mon piano, sur ma toilette et sur une jardinière, dont ils froissaient impitoyablement les fleurs. Parlait-on d’un rondeau, d’un duo de Boïeldieu, le mélomane Ducret[1] quittait son aile de poulet pour se mettre au piano, dérangeait les soupeurs, et nous chantait :


De toi, Frontin, je me défie.

  1. Émigré, professeur de piano.