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souvenirs d’une actrice.

à son maître. Elle semble se consulter, elle hésite ; enfin on lui offre dix roubles, somme énorme pour une pauvre paysanne.

« Je n’ai que mon lit, dit-elle, je le donnerai à ce monsieur, et je coucherai par terre dans l’autre chambre. — Vous irez à l’écurie si vous voulez. »

Les domestiques et les paysans ne sont pas difficiles pour leur coucher ; ils dorment fort bien par terre ou sur une planche.

Rodde tombait de fatigue. Son domestique mit la voiture et le cheval dans un hangar, et fut s’y coucher. Son maître se jette tout habillé sur ce lit, qui était très bas. À moitié endormi, il étend le bras, comme pour chercher quelque chose, et saisit une main glacée. La frayeur le réveille en sursaut, et oubliant fatigue et sommeil, il saute à bas du lit, et découvrant un corps mort, il se croit dans un coupe-gorge. Il appelle à grands cris et en jurant comme un possédé : la vieille accourt plus morte que vive.

« — Misérable ! s’écrie-t-il, il y a sous ce lit un homme assassiné ?