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souvenirs d’une actrice.

gnorais qu’il y eût une dame dans la voiture. » Je le regardai et le voyant couvert d’une pelisse de satin bleu, je me mis à sourire. En cet instant il dût se rappeler son costume ; car à son tour il éclata de rire. Ce ne fut qu’après avoir laissé un libre cours à cet accès de gaieté, que nous nous expliquâmes. « Il est certain, me dit-il, qu’un colonel de grenadiers, vêtu de satin bleu, est en costume assez comique ; mais ma foi ! je mourais de froid, et je l’ai achetée d’un soldat. » Nous causâmes assez long-temps, et il finit par m’engager à partager quelques chétives provisions qui lui restaient encore. On fit du feu, on coupa des sapins, et l’on nous fit ce qu’il nomma la cabane d’Annette et Lubin. Hélas ! sa triste verdure ne garantissait pas du froid les bergers qu’elle abritait, et le chant du rossignol était remplacé par le cri lugubre du corbeau.

J’arrivai à Smolensko, à trois heures après midi ; on me croyait déjà perdue. On avait fait partir la veille des domestiques avec des chevaux, mais ils avaient trouvé bon de coucher en route, et de ne revenir que le lendemain matin. Nous ne comptions plus sur la calèche ; cependant elle arriva le soir,