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souvenirs d’une actrice.

songèrent qu’à s’en emparer ; et je vis à leur figure et à leur avidité qu’ils allaient nous faire un mauvais parti. Je fus m’asseoir près du lit du jeune comte, et, en faisant semblant de le couvrir et d’arranger son oreiller, je jetai sa montre, sa pelisse et quelques autres objets dans la ruelle. Ils menacèrent de leurs lances les deux personnes qui étaient vis-à-vis de nous, ensuite ils les quittèrent pour venir au lit du général, et le menacèrent aussi, en lui disant en russe : « De l’argent. » Je détachai de mon col une petite vierge de Kiow que madame la princesse Koutouzoff m’avait donnée en Russie, comme un préservatif de malheur ; elle en fut un en effet, pour nous. Je la posai sur le général : « Comment osez-vous, leur dis-je, attaquer un homme mourant ? Dieu vous punira. » Les Russes ont une grande vénération pour les images, et particulièrement pour la vierge de Kiow. Ma présence d’esprit nous sauva ; mais la révolution que cela fit à ce pauvre jeune homme rendit son mal sans remède.

Vers quatre heures, le général russe Tithakow arriva, et on lui raconta ce qui s’était passé. Il nous laissa dix-huit hommes, dont il nous répon-