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souvenirs d’une actrice.

de monde, que l’on couchait dans les granges, dans les écuries, et les tables étaient dressées dans les cours et dans les corridors.

Nous étions dans un fort grand embarras, et nous pensions déjà à retourner à Lille, lorsque nous rencontrâmes deux dames de nos connaissances de Paris ; elles nous dirent qu’elles habitaient avec leurs maris une petite maison de campagne tout près de la ville ; qu’elles nous y donneraient l’hospitalité pour la journée, et que l’on pourrait peut-être nous trouver un gîte pour la nuit ; en pareille circonstance, on se contente de ce que l’on trouve. Le mari d’une de ces dames, M. Aigré, dans un voyage qu’il avait fait à Lille quelque temps auparavant, était venu me voir et m’avait confié qu’il émigrait. Mais, comme on fouillait à la frontière, et qu’il était défendu d’emporter de l’argent, il me pria de vouloir bien lui coudre dans une ceinture un jeu de cartes, comme il le disait en riant : c’étaient trente-deux assignats de mille francs. Cette somme, pour un si court voyage, pouvait faire soupçonner qu’il avait le projet de rejoindre l’armée de Condé :