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vernements locaux il y eut le gouvernement central de la cité[1].

De ces souvenirs et de ces traditions si précises qu’Athènes conservait religieusement, il nous semble qu’il ressort deux vérités également manifestes ; l’une est que la cité a été une confédération de groupes constitués avant elle ; l’autre est que la société ne s’est développée qu’autant que la religion s’élargissait. On ne saurait dire si c’est le progrès religieux qui a amené le progrès social ; ce qui est certain, c’est qu’ils se sont produits tous les deux en même temps et avec un remarquable accord.

Il faut bien penser à l’excessive difficulté qu’il y avait pour les populations primitives à fonder des sociétés régulières ; Le lien social n’est pas facile à établir entre ces êtres humains qui sont si divers, si libres, si inconstants. Pour leur donner des règles

  1. Plutarque et Thucydide disent que Thésée détruisit les prytanées locaux et abolit les magistratures des bourgades. S’il essaya de le faire, il est certain qu’il n’y réussit pas ; car longtemps après lui nous trouvons encore les cultes locaux, les assemblées, les rois de tribus. Bœckh, Corp. inscr., 82, 85. Démosthènes, in Theocrinem. Pollux, VIII, 111. — Nous laissons de côté la légende d’Ion, à laquelle plusieurs historiens modernes nous semblent avoir donné trop d’importance en la présentant comme le symptôme d’une invasion étrangère dans l’Attique. Cette invasion n’est indiquée par aucune tradition. Si l’Attique eût été conquise par ces Ioniens du Péloponèse, il n’est pas probable que les Athéniens eussent conservé si religieusement leurs noms de Cécropides, d’Érechthéides, et qu’ils eussent, au contraire, considéré comme une injure le nom d’Ioniens (Hérodote, I, 143). À ceux qui croient à cette invasion des Ioniens et qui ajoutent quel la noblesse des Eupatrides vient de là, on peut encore répondre que la plupart des grandes familles d’Athènes remontent à une époque bien antérieure a celle où l’on place l’arrivée d’Ion dans l’Attique. Est-ce à dire que les Athéniens ne soient pas des Ioniens, pour la plupart ? Ils appartiennent assurément à cette branche de la race hellénique ; Strabon nous dit que dans les temps les plus reculés l’Attique s’appelait Ionia et Ias. Mais on a tort de faire du fils de Xuthos, du héros légendaire d’Euripide, la tige de ces Ioniens ; ils sont infiniment antérieurs à Ion, et leur nom est peut-être beaucoup plus ancien que celui d’Hellènes. On a tort de faire descendre de cet Ion tous les Eupatrides et de présenter cette classe d’hommes comme une population conquérante qui eût opprimé par la force une population vaincue. Cette opinion ne s’appuie sur aucun témoignage ancien.